La Cour d'appel de Paris vient de donner raison aux CSE de Suez dans le conflit qui oppose les groupes Suez et Veolia. Veolia, qui entend prendre le contrôle de Suez en rachetant les parts que détient Engie dans le capital de Suez, avait introduit une requête en interprétation auprès de la Cour d'appel de Paris afin de lui faire expliciter sa décision du 19 novembre dernier.
L’arrêt de la Cour d’appel du 19 novembre 2020 avait en effet confirmé la suspension des effets de l’acquisition par Veolia de 29,9 % du capital de Suez, ainsi que de l’OPA annoncée par Veolia, dans l’attente de l’achèvement de la procédure d’information-consultation des institutions représentatives du groupe Suez. Le juge d’appel avait, en outre, souligné qu’il ne lui appartenait pas de fixer ou d’imposer un calendrier de consultation, avant de rappeler les délais prévus par le code du travail. Sous couvert d’une requête en interprétation, Veolia a tenté de faire modifier le sens de cette décision ce que les juges d’appel ont expressément refusé ce jour, estimant, comme le soutenait Suez, que leur décision était claire et ne nécessitait aucune interprétation ; en conséquence, note le communiqué de Suez, l’initiative judiciaire de Veolia a pour la troisième fois été jugée le 8 décembre juridiquement infondée.
Suez précise que le projet porté par Veolia impacte directement l’ensemble des entités du groupe et nécessite l’information consultation de 99 CSE. Les organisations syndicales de Suez, très inquiètes du projet visant à démanteler leurs activités et des menaces qui pèsent sur l’emploi en cas d’acquisition de leur entreprise par leur concurrent principal ont, en conséquence, signé un accord de méthode, en application des articles L2312-16 et suivants du code du travail pour aménager les délais et les modalités de la procédure d’information consultation dont l’objectif est qu’elle se termine au plus tard le 31 mai 2021.
Le communiqué de Suez
Le commentaire des Éditions législatives
Pour en savoir plus sur cette macabre série, voir le récit en trois épisodes de Marc Laimé :
Épisode 1, octobre 2020
Veolia-Suez : Genèse d’une affaire d’État
Géant français des services à l’environnement, Veolia entend racheter son éternel rival Suez. L’affaire a provoqué un affrontement d’une rare violence qui éclaire d’un jour cru le capitalisme français de Napoléon III à Emmanuel Macron. Loin des clichés sur les excès d’un libéralisme échevelé, elle témoigne plutôt, comme celle des autoroutes naguère, de l’accaparement des ressources de l’État au profit de rentiers : des pratiques sans équivalent dans les autres paysdéveloppés.
Épisode 2, novembre 2020
Derrière la fusion Veolia-Suez, le rêve d’un GAFAM français
La tempête politico-médiatique provoquée par le projet de fusion du groupe Suez-Lyonnaise des eaux et de Veolia, le géant français des "multi-utilities", a suscité un flot de commentaires qui ont occulté l’essentiel. Soit le pacte faustien contracté par MM. Emmanuel Macron et Antoine Frérot, patron de Veolia, afin d’accoucher aux forceps de la première plateforme numérique mondiale des services marchands àl’environnement.
Épisode 3, décembre 2020
Fusion Veolia-Suez : Guérilla juridique et intimidation de la critique
Le conflit engagé entre les deux multinationales françaises, leaders mondiaux des services à l’environnement, qui s’affrontent avec une rare violence depuis l’annonce par Veolia, le 31 août dernier, de son intention de racheter son concurrent, a atteint son acmé depuis quelques semaines. Aux innombrables procédures judiciaires engagées sur tous les fronts est en effet venue s’ajouter une campagne d’intimidation – par voie d’huissier – de nombreux économistes et universitaires, dont l’auteur de ces lignes. L’hubris déchaînée de nos capitaines d’industrie souligne en creux l’étourdissant silence de l’État, pourtant impliqué à plus d’un titre dans cette affaire sans précédent.