19/05/2016

Changement climatique et ressources en eau

Menace de recul de la croissance économique dans certaines régions

Selon un nouveau rapport de la Banque mondiale publié le 3 mai, la
raréfaction de l'eau exacerbée par le changement climatique pourrait
amener certaines régions à accuser un recul du PIB de l’ordre de 6 %,
provoquer des migrations et déclencher des conflits.

Le rapport intitulé "High and Dry: Climate Change, Water and the
Economy", indique que les effets combinés de la croissance
démographique, de l’augmentation des revenus et de l'expansion des
villes entraîneront une hausse exponentielle de la demande d'eau, alors
que l'offre de la ressource deviendra plus irrégulière et incertaine.
Faute de mesures immédiates, poursuit le rapport, l'eau deviendra une
ressource rare dans des régions où elle est abondante aujourd'hui –
l'Afrique centrale et l'Afrique orientale par exemple – et cette
situation s'aggravera dans les régions connaissant déjà des pénuries
d'eau, le Moyen-Orient et le Sahel par exemple. Ces régions pourraient
voir leur croissance reculer dans des proportions allant jusqu'à 6 % du
PIB d'ici 2050, ce en raison de l'impact du manque d'eau sur
l'agriculture, la santé et les revenus. Le rapport tire la sonnette
d'alarme, indiquant que la baisse de la disponibilité en eau douce,
combinée à l’utilisation de l’eau à d'autres fins telles que la
production d'énergie et l'agriculture, pourrait contribuer à réduire les
volumes d'eau disponibles dans les villes, ce dans des proportions
pouvant atteindre les deux tiers en 2050, comparé aux niveaux de 2015.
L'insécurité hydrique pourrait multiplier les risques de conflit, ajoute
le rapport. Les flambées de prix alimentaires dues aux sécheresses
peuvent attiser des conflits latents et entraîner des migrations. Dans
les endroits où la croissance économique est tributaire des pluies, des
épisodes de sécheresse et d'inondation ont provoqué des vagues de
migration et des piques de violence dans les pays. "Les pénuries d'eau constituent une redoutable menace contre la
croissance économique et la stabilité dans le monde, un problème que le
changement climatique vient aggraver"
, affirme le président de la Banque mondiale Jim Yong Kim. "Notre
analyse montre que si les pays ne prennent pas de mesures pour mieux
gérer les ressources en eau, certaines régions fortement peuplées
pourraient connaître de longues périodes de croissance économique
négative. Les pays peuvent toutefois adopter dès à présent des
politiques qui les aideront à exploiter les ressources en eau de manière
durable au cours des prochaines années."

Selon le rapport, l'amélioration de la prise de décisions sur l'action à
mener pourrait aider à neutraliser les effets néfastes du changement
climatique sur l'eau. Certaines régions ont des chances d'améliorer
leurs taux de croissance dans des proportions allant jusqu’à 6 %, grâce à
une meilleure exploitation des ressources en eau. "L’espoir est permis", déclare l'auteur du rapport et économiste principal à la Banque mondiale Richard Damania. "Si
les pouvoirs publics répondent à la pénurie d'eau en renforçant
l'efficacité et en allouant, à supposer, 25 % de la ressource à des
usages de grande valeur, les pertes diminueront fortement et, pour
certaines régions, elles pourraient même disparaître. Renforcer la
protection de l'eau est synonyme de dividendes économiques élevés."

Des politiques plus ambitieuses sont nécessaires dans les régions
extrêmement arides du monde pour éviter une utilisation inefficace de
l'eau. Le rapport indique que des politiques et des réformes plus
robustes sont nécessaires pour faire face aux stress grandissants de
source climatique. Il présente des politiques et catégories
d'investissements de nature à aider les pays à se doter d'économies à
l'abri de l'insécurité hydrique et résilientes face au changement
climatique. Une meilleure planification de l'allocation des ressources
en eau, l'adoption d'incitations pour accroître le rendement hydrique et
l'investissement dans les infrastructures constituent autant de mesures
à prendre pour assurer un approvisionnement plus sécurisé et une
disponibilité plus grande de l'eau.

La publication du rapport suit la formation, le mois dernier, d'un panel
de haut niveau regroupant 10 chefs de gouvernement et présidé par
l'Organisation des Nations unies et la Banque mondiale. L'objectif de ce
groupe est de promouvoir l'action à mener en vue d'accélérer la mise en
œuvre du sixième objectif de développement durable : garantir l'accès
de tous à l'eau et à l'assainissement et assurer une gestion durable des
ressources en eau. Durant la récente COP21 qui s’est tenue à Paris, la
Banque mondiale a annoncé une forte augmentation des financements en
faveur de programmes relatifs à l'eau en Inde, dans le bassin du Niger,
au Maroc et au Kenya pour contribuer à rechercher des solutions aux
problèmes hydriques.

Nota –  Le pourcentage de 6 % est la médiane obtenue en examinant les
différents scénarios liés aux politiques traditionnelles de l’eau.  En
règle générale, les chiffrent indiquent que dans le contexte de ces
politiques, le PIB est 6 % plus faible que ce qu’il aurait été en
l’absence de la pression du changement climatique. Il convient de noter
également que la situation varie entre les régions : alors qu’on ne
remarque aucun effet majeur sur l’Europe occidentale, les régions plus
chaudes et plus sèches du monde, qui sont aussi généralement plus
pauvres, subissent des impacts plus graves.

High and Dry: Climate Change, Water and the Economy – World Bank

 

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