À partir de 1880, la captation de la force des eaux devient stratégique pour la fraction la plus moderne du capitalisme de l'époque (électrométallurgie, électrochimie). L'aménagement par conduite forcée (houille blanche) n'est alors techniquement possible que sur les torrents et petites rivières (essentiellement dans les Alpes). Or ces cours d'eau sont régis par des structures juridiques et institutionnelles destinées à l'origine aux usages agricoles.
Le contrôle de l'hydroélectricité, devenu un secteur stratégique, va entraîner un long conflit institutionnel ; il opposera le Ministère de l'Agriculture (tuteur des cours d'eau non navigables) à celui des Travaux Publics qui y voit un potentiel considérable d'expertise. Ces antagonismes seront déterminants pour la structuration administrative et technique de la force hydraulique. La victoire des Travaux Publics permet la mise en place définitive de l'hégémonie d'un grand corps techniques, les Ponts et Chaussées qui vont dominer jusqu'à nos jours le discours et les processus décisionnels se rapportant aux usages des eaux courantes.
L'essor de la houille blanche réactive aussi le débat sur le rôle de l'État dans ce type d'aménagement ; elle soulève la question du partage entre intérêts publics et privés de cette ressource nouvelle jusqu'alors gratuite.
Il faut attendre la fin de la grande guerre pour que soit mise en place une législation adaptée s'inspirant du code minier. C'est la loi du 16 octobre 1919 qui crée un bien nouveau : l'énergie motrice. Elle concerne tous les cours d'eau quel que soit leur classement, qu'ils aient fait ou non l'objet d'un aménagement.
Cette loi aura deux conséquences importantes :
Les débats sur la législation des forces hydrauliques entraînèrent aussi une extension de l'application à la force hydraulique du principe de l'utilité publique.
L'idée nouvelle est que le producteur d'énergie électrique ne poursuit pas uniquement son intérêt personnel mais qu'il accomplit aussi un devoir social. L'un des principes de la loi de 1807 est repris et fait l'objet d'une interprétation extensive : l'utilité publique d'un travail peut être reconnue alors même que ce travail n'a qu'une fin privée, dès lors que cette fin présente un intérêt suffisant pour la collectivité.
Cette nouveauté consacre l'alliance du privé et du public, conception proche des idées néo-capitalistes de l'époque. Elle est certes favorable aux intérêts privés, mais elle permet aussi à l'État d'être associé en devenant actionnaire de ces sociétés d'électricité fonctionnant sous la forme de l'économie mixte.
En octroyant la concession, l'État apporte sa richesse : la force du cours d'eau, et les droits qui en rendent l'exploitation possible. En contre partie elle reçoit des actions qui lui permettront de participer aux bénéfices et d'avoir des représentants au conseil d'administration.