La mise en réseau et l'interconnexion par lignes à haute tension entraînent un vaste conflit entre les régions productrices et consommatrices.
Dès 1900, certaines communes sur lesquelles se trouve une centrale refusent violemment l'exportation de leur force électrique. Ces micro nationalismes économiques locaux trouveront une expression au niveau national par la création de la Compagnie Nationale du Rhône. D'après notre étude, il semble que sa genèse résulte plus d'une volonté régionaliste que de la mise en pratique du principe d'économie d'échelle consistant en l'utilisation combinée du Rhône pour l'irrigation, le transport, la force. En effet, les intérêts régionaux eurent un rôle moteur dans la création de la CNR.
Au niveau national à partir de 1880, une partie de la droite revendique l'idée d'une autonomie provinciale basée sur le modèle anglais. Les projets de Hérisson ou de Pierre Legrand en seront l'illustration. Ils proposent un nouveau découpage territorial où le pouvoir local serait partagé entre les forces politiques et économiques locales. Dans ce schéma, les chambres de commerce devaient exercer un rôle essentiel. Celles du bassin du Rhône commenceront d'ailleurs à mettre en application ce projet. Les élus s'associeront à ce mouvement qui tendra rapidement à se substituer à l'administration centrale en proposant ses propres projets d'aménagement. Il sera amplifié par le projet de la Ville de Paris visant à obtenir l'exclusivité de l'énergie électrique de Génissiat et s'inscrira alors dans la fronde plus générale des notables contre la centralisation Parisienne.
Le développement de l'hydroélectricité fait renaître l'idée d'un nouveau découpage territorial reprenant le concept du bassin hydraulique, mais il intègre tous les usages de l'eau de façon à constituer une véritable région économique. Le Rhône, réseau "naturel" d'une dimension suffisante, semblait particulièrement adapté à ce projet qui de plus était appuyé par un puissant mouvement régional.