Les Mésopotamiens tentent d’expliquer le cycle des saisons à travers le fantastique combat des divinités. En Phénicie, Baal et son fils Aleyin, qui gouvernent la pluie, et Môt, qui apporte mort et sécheresse, symbolisent la succession immuable de l’hiver et de l’été. Baal, qui affronte la mort et renaît, inaugure le lien entre les puissances de résurrection de la nature au printemps et l’hypothèse d’une résurrection humaine. On retrouve cette allégorie de la nature dans le mythe hourrite du Grand Serpent ou celui hittite de Télépinou, qui raconte la disparition, puis le retour du dieu présidant à la végétation.
Les dieux, comme les hommes, luttent pour le pouvoir. Un poème phénicien, retrouvé à Ugarit, chante la légende de Baal et montre comment le dieu de l’Orage doit vaincre ses rivaux : Yam, le dieu de la Mer, et Môt, le dieu de la Mort, pour devenir l’objet de la vénération des hommes.
Dieu des Ouragans et des Tempêtes, Baal est très puissant. Mais à la cour du roi des Dieux El, d’autres divinités prétendent comme lui aux honneurs et à la gloire. Pour y accéder, ils doivent obtenir du dieu suprême, qui décide de tout, l’autorisation de construire un temple où les hommes apporteront leurs offrandes et célèbreront leur culte.
La querelle éclate quand Yam, le dieu des Eaux salées, décide de se faire construire un palais. À l’annonce de cette nouvelle signifiant que Yam devient plus puissant que lui, Baal entre dans une rage folle, insulte son rival, le maudit et menace de l’anéantir. Le dieu des Eaux salées envoie ses messagers à la cour de El pour réclamer vengeance et demander que Baal lui soit livré en réparation de l’outrage subi. Malgré la consternation générale, El accède à sa requête et annonce : "Baal sera ton esclave, ô Yam". Refusant de plier, le dieu des Ouragans déchaîne sa redoutable colère contre les messagers de Yam mais sa sœur, la vierge et cruelle Anat, déesse de la violence guerrière, retient son bras, l’empêchant de commettre l’acte sacrilège d’assassiner des messagers.
Retenu en captivité par le dieu de la Mer, Baal ourdit sa vengeance en appelant à l’aide son ami Kothar, dieu des Forges et de la Technique, architecte rusé et forgeron divin, qui lui fabrique deux énormes massues. Ces armes, maniées par le dieu de l’Orage et douées d’une vie autonome, terrassent Yam et assurent la libération et le triomphe de Baal.
Baal charge alors sa sœur Anat de convaincre El d’accepter de lui dédier un édifice. À cette fin, la vierge cruelle organise un gigantesque sacrifice de jeunes gens et fait des ablutions avec le sang recueilli. Mais Môt, le dieu de la Mort qui assèche les plaines verdoyantes, ne peut accepter le règne de Baal qui menace sa propre existence. Il met fin aux sacrifices de la déesse guerrière qui, malgré sa combativité, ne peut s’opposer longtemps au dieu infernal. Elle appelle à l’aide son frère qui affronte, à son tour, Môt sur le Septentrion (le Mont Liban) et parvient à repousser ses assauts.
Anat, pleine d’imagination, enduit de sang la grande barbe blanche d’El pour le rajeunir tandis que Baal lui offre un somptueux trône en or et une table d’or garnie d’offrandes. Le roi des dieux devient alors favorable à Baal et permet la construction du temple, qui comporte une fenêtre sur le toit pour recueillir l’eau de pluie que le dieu de l’Orage fait tomber.
Devenu le dieu le plus puissant sur Terre, Baal s’engage à pourvoir aux besoins des dieux et des hommes, à leur fournir des vivres en abondance. Mais il doit, en contrepartie, céder son règne dans le Ciel à son ennemi Môt et descendre sous terre. Tous les dieux en sont affligés. Même El quitte son trône pour accomplir les rites funèbres, se couvre la tête de poussière et déchire ses vêtements en signe de tristesse. Anat inconsolable supplie Môt, qui règle à présent les destinées du monde, de ramener Baal. Il y a urgence : la terre se dessèche et les hommes meurent. L’indifférence de Môt déchaîne le courroux de la fière déesse qui saisit le dieu des Morts, le tue et répand les parties de son corps sur les récoltes. Baal revient, les récoltes refleurissent et l’esprit des Moissons, enfermé dans le grain, est sauvé. Le dieu des Ouragans, des Tempêtes et de la Pluie, règne à nouveau.
Aleyin, dieu de la Pluie, Esprit des eaux de pluie fécondant la mer, fils de Baal, est chargé d’alimenter les sources et les cours d’eau et de veiller, à la saison des pluies, au développement de la végétation. Il fait couler les rivières au printemps et à l’automne, il répand l’eau sur la terre pour la fertiliser.
Môt, dieu de la mort, des Moissons et de l’Été, incarnant la chaleur et la sécheresse, fils préféré du dieu El, ennemi de Baal, incarne l’esprit de la moisson, qui permet aux récoltes de mûrir, mais aussi la sécheresse qui compromet les récoltes et donc la mort.
Le combat, que se livre ces deux divinités régnant, tour à tour, six mois par an sur le monde, est raconté dans un célèbre mythe phénicien.
Au début du récit, Aleyin vient de mourir à cause de Môt, provoquant la douleur de Baal, son père. Lapton, fils du dieu d’El, demande à son père de donner un successeur à Aleyin. Môt périt à son tour, victime de la colère et de la malédiction de sa sœur, la déesse guerrière Anat, protectrice de la fertilité. Alors Aleyin réapparaît, les pluies recommencent à tomber, la végétation renaît. Môt est condamné à descendre aux Enfers.
Par ce mythe se reproduisant chaque année, les Phéniciens expliquent l’alternance des saisons et le cycle de la végétation.
La déesse Inara invite Illuyanka à un banquet. |
Dans le mythe hittite du grand serpent, le dieu de l’Orage, maître du Panthéon, invoqué pour que tombe la pluie, terrasse le redoutable Illuyanka, un serpent monstrueux qui absorbe les eaux de la terre, empêchant la régénération végétale. Ce récit fabuleux de la lutte entre le dieu de l’Orage et le terrible Illuyanka était commémoré et raconté chaque année, lors des purulli, la fête du nouvel an. Célébrée au cœur de l’hiver, cette fête était censée préparer l’arrivée du printemps, la renaissance de la végétation et une récolte abondante. Cet hommage au dieu de l’Orage devait garantir une année prospère, c’est-à-dire une pluie suffisante.
Le dieu de l’Orage, porteur de la pluie bienfaitrice, source de vie, ne peut cohabiter avec le Grand Serpent qui, retenant dans son corps gigantesque les eaux nécessaires au renouvellement de la nature, engendre la sécheresse et empêche la vie de se régénérer. Le Grand Serpent anéantit donc la mission du Dieu de l’Orage, qui ne peut tolérer cette humiliation. Un combat à mort va les opposer à Kiskilussa. Le maître du Ciel n’hésite pas à affronter son ennemi dans un corps à corps sanglant, mais sans parvenir à le vaincre.
Illuyanka gagne la première manche en arrachant le cœur et les yeux du roi des dieux, qui, terrassé, perd tous ses pouvoirs. Dès lors, l’avenir de l’Univers est en suspens.
Pour renverser la situation, le dieu de l’Orage doit d’abord récupérer ses organes, puis tuer le serpent. Il échafaude un plan complexe. Il se résout à engendrer un fils, auquel des sources donnent le nom de Nerik. Dès qu’il est en âge de se marier, Nerik est uni à la fille d’Illuyanka qui apporte en dot le cœur et les yeux du dieu de l’Orage.
Ayant récupéré toutes ses capacités physiques et surnaturelles, celui-ci demande à Inara, déesse tutélaire d’Hattousa, la capitale de l’empire hittite, d’organiser un somptueux banquet en l’honneur de son ennemi. Inara requiert l’aide d’Hupasiya, un simple mortel, qu’elle met dans la confidence. Elle s’unit charnellement à lui pour lui transmettre une part de son essence divine.
Somptueusement parée, extrêmement séduisante, elle se rend jusqu’au trou où réside Illuyanka et l’invite au banquet. Charmé, le serpent accepte et vient accompagné de ses enfants.
Le banquet, regorgeant de nectars et de mets délectables, comble l’insatiable appétit du monstre qui, repu, rampe jusqu’à son antre. Mais sa panse, démesurément enflée, l’empêche de glisser dans le trou. Hupasiya profite du désarroi du reptile pour le ligoter. Le terrible Illuyanka est alors à la merci du dieu de l’Orage qui lui assène un coup fatal.
Le Grand Serpent mort, l’équilibre de l’Univers est préservé, la pluie se remet à tomber. Ce mythe raconte comment un univers harmonieux a pu prendre le pas sur le Chaos. .