Plusieurs divinités veillent à la bonne régulation des eaux du Nil, dont le cycle de crue et de décrue s’organise en trois saisons : akhet, l’inondation, peret, les récoltes, et shemou, les semailles. L’akhet est un moment, à la fois, espéré et redouté par les Égyptiens. Espéré parce que la montée modérée des eaux offre au pays des récoltes abondantes. Redouté, parce qu’une crue trop importante et trop brutale cause des dommages et anéantit les cultures. Aussi, à l’approche de l’akhet, les Égyptiens multiplient-ils offrandes et prières en hommage aux dieux régisseurs des cycles du fleuve pour s’assurer leur bienveillance. Tous les ans, au mois de Khoiak, période où le Nil se retire, laissant de nouveau les terres émerger et la végétation germer, les prêtres égyptiens fêtent Osiris, dieu des Morts. Cette période de renaissance est associée au retour à la vie du dieu assassiné et dépecé par son frère Seth.
Père des Dieux... L’Unique se créant lui-même, dont l’origine est inconnue… Seigneur des poissons, riche de grains... |
Hâpy – Dieu du Nil, parfois considéré comme la seconde forme de Noun, océan primordial encerclant la terre, il est identifié au tout puissant fleuve égyptien. Génie androgyne à la peau bleutée évoquant la couleur de l’eau, au ventre rebondi et aux mamelles pendantes, synonymes de générosité et de richesse, Hâpy incarne les crues bénéfiques et divinisées du fleuve, sa puissance et le dynamisme de ses eaux sans lesquels l’Égypte ne serait qu’une vaste étendue désertique. Ce dieu barbu et bienveillant est responsable des crues modérées qui alimentent les champs en déposant sur les berges le limon noir, indispensable aux cultures et à la prospérité de la terre. C’est tapi au fond d’une caverne enfouie dans les profondeurs d’Éléphantine, sous la première cataracte du Nil, non loin d’Assouan, que le dieu bedonnant déclenche les crues du fleuve en déversant le contenu de deux gigantesques jarres. Après avoir abreuvé les terres du nord, il quitte sa demeure pour rejoindre une seconde caverne à proximité de Memphis où il irrigue de la même façon les terres arides du sud. Un tel pouvoir fait de lui l’un des dieux les plus vénérés de tout l’empire, puisque son culte est célébré depuis la source du fleuve sacré jusqu’au Delta. Partout où le Nil marque de son sillon limoneux le sol, la fertilité prend le pas sur l’aridité de la terre, et grâce est rendue au génie débonnaire.
Afin d’obtenir du dieu des crues bienfaisantes, les Égyptiens jettent de la nourriture, des animaux sacrifiés ou des amulettes dans les eaux nourricières près des deux cavernes d’Éléphantine et de Memphis. Lors de la fête d’Opet célébrée en son honneur pour saluer l’arrivée des crues, des victuailles provenant de toutes les régions sont déposées dans les temples. Les pharaons ont coutume de se faire représenter sous la forme d’Hâpy, endossant ainsi le rôle de celui qui apporte abondance et prospérité au pays. Lorsque la crue s’avère dévastatrice, le pharaon, tenu responsable des ravages causés par l’inondation, doit affronter la révolte du peuple et prier les dieux pour que le désastre cesse.
Pourtant, malgré cette fonction vitale, Hâpy ne joue qu’un rôle subalterne. Ordinairement escorté par une multitude de dieux-grenouilles et crocodiles, il n’est considéré dans les temples que comme le serviteur des dieux à qui il offre les produits des crues. Il est souvent représenté sur les murs des sanctuaires dans une longue procession de personnages à son image, appelés "les Nils", qui incarnent les subdivisions du fleuve et les offrandes de chaque région.
Marié à Nekhbet, déesse vautour protectrice de la Haute-Égypte et parfois à Ouadjet, déesse cobra des marais, protectrice de la Basse-Égypte, le génie des eaux est également personnifié par des jumeaux exerçant chacun leur fonction sur une partie du Double Pays. Ces jumeaux, dont l’un est coiffé d’un support aquatique d’où émergent trois fleurs de lotus et l’autre d’une couronne surmontée d’une touffe de papyrus, s’emploient à nouer ces plantes héraldiques, emblèmes du nord et du sud, pour illustrer la manière dont le Nil unit l’Égypte et lui apporte la richesse. Cette union symbolique des deux terres est appelée séma-taouy.
Hâpy est parfois aussi présenté comme une divinité cynocéphale représentant l’un des quatre fils d’Horus, dieu du Ciel et de la Lumière, chargés de veiller sur les viscères des défunts momifiés. Sa tête constitue le couvercle du vase canope dans lequel sont déposés les poumons du mort tandis que le génie à tête de chacal Douamoutef veille sur l’estomac, la divinité androcéphale Amset sur le foie et le dieu-faucon Qebehsenouf sur les intestins.
Herichefet (Arsaphès) – Ce dieu de la Fertilité, dont le nom signifie : "Celui qui est au-dessus du lac", veille à ce que la crue annuelle tienne ses promesses et que le grain déborde des greniers à l’issue de la récolte. Dieu primitif, son existence est attestée dès l’Ancien Empire (vers 2780-2400 av. J.-C.) par la Pierre de Palerme, stèle de basalte énumérant les noms des premiers dieux et pharaons. Il reste néanmoins un dieu secondaire, lié au Nil et à son potentiel de fertilisation, et ne prend une véritable importance que lorsque son lieu de culte, Héracléopolis Magna, devient la capitale de l’Égypte unifiée sous le règne de Khéti et des IXème et Xème dynasties. Sa représentation, à l’origine sous les traits d’un bélier ou d’un homme à tête de bélier dont les cornes ondulées se déploient à l’horizontale, évolue en même temps que sa fonction. D’abord coiffé d’un disque solaire qui l’identifie à Rê, dieu suprême créateur du monde, il sera ensuite ceint de la couronne atef – composée de la mitre blanche de la Haute-Égypte surmontée d’un petit soleil et encadrée de deux hautes plumes d’autruche – qui l’assimile à Osiris, dieu des Morts, dont il hérite certains des attributs. À l’instar de ces deux divinités, Herichefet est lié aux notions de vie et de mort et véhicule le principe essentiel égyptien de la régénération, du renouvellement des choses et des êtres, d’une certaine idée de la vie éternelle. Dieu qui garantit une crue généreuse et le bon déroulement des rites agricoles, il symbolise le cycle perpétuel de la vie.