De nombreuses divinités animales aquatiques, adorées par les Égyptiens, demeurent encore aujourd’hui le symbole de cette civilisation. C’est le cas du dieu crocodile Sobek et de la déesse-hippopotame Thouéris, protectrice des naissances.
Salut à toi Sobek le Crocodilopolite, Rê, Horus, dieu puissant.
Salut à toi Sobek le Crocodilopolite,
Salut à toi qui t‘es levé des Eaux primordiales,
Horus chef de l’Égypte,
taureau des taureaux,
grand être mâle,
maître des îles flottantes.
Sobek – Divinité crocodile considérée par les habitants de la région fertile du Fayoum comme le créateur de l’univers, le démiurge qui a ordonné le monde, le dieu suprême dont on ne doit sous aucun prétexte attiser la colère, Sobek aurait surgi un jour des eaux boueuses de l’océan primordial pour créer l’univers. Adoré à Kom Ombo, sur la rive droite du Nil, à une cinquantaine de kilomètres au nord d’Assouan, son temple, élevé à l’époque ptolémaïque, a la particularité d’être un double sanctuaire, consacré dans sa partie gauche au culte d’Haroëris le faucon, dieu du ciel, et dans sa partie droite à celui de Sobek le crocodile, dieu souverain des eaux et de la fertilité. Les deux divinités se complètent : la première incarne la lumière, la seconde, l’eau : deux éléments essentiels à la vie. Sobek sera même chargé de récupérer au fond du Nil les mains d’Haroëris coupées par Isis parce qu’elles ont été souillées par le sperme de Seth. Sobek récupère également les quatre fils d’Haroëris, gardiens des vases canopes, nés d’une fleur de lotus, le nénuphar du Nil, et dérivant sur l’océan primordial, et les met à l’abri.
Patron des marais, fils de Neit, la tisserande divine, architecte de l’univers, protecteur de la Moyenne-Égypte, il serait, dans l’Ennéade, né de la métamorphose d’une mèche de cheveux du dieu de la Terre. Geb, voulant asseoir sa puissance, dérobe à son père Rê, l’Uraeus, symbole du pouvoir royal, représentant un cobra femelle qui, enroulé autour du disque solaire, crache des flammes pour anéantir les ennemis du dieu-soleil. Mais le souffle du serpent divin brûle au visage Geb, qui n’apaise sa douleur qu’en appliquant sur sa blessure une mèche de cheveux de Rê. C’est cette mèche, que des serviteurs plongent bien des années plus tard dans les eaux du lac At Noub pour la purifier, qui se métamorphose en Sobek, le dieu crocodile. Au même moment, des ennemis de Pharaon surgissant des eaux sont décimés par le crocodile divin.
Parce qu’il a émergé des eaux, Sobek est un dieu aquatique associé à la notion de fertilité. Sa seule présence fait croître la végétation. Certains prétendent même qu’on peut l’entendre rire aux éclats quand débute l’inondation. Animal vorace surgi des ténèbres du monde primitif, le crocodile divin est associé aux monstres de l’univers souterrain et aux ennemis de l’équilibre terrestre. Mi-homme, mi-alligator, il est considéré comme l’allié de Seth qui se serait revêtu d’une peau de crocodile pour échapper au châtiment qu’il encourait pour avoir tuer son frère Osiris, dieu des morts et pharaon des premiers temps. C’est parce qu’il se serait régalé des fragments du corps dépecé que le crocodile serait pourvu d’une grande gueule et de si nombreuses dents.
L’âme du dieu de la fécondité et du milieu aquatique va s’incarner dans Petesoukhos, crocodile sacré dont le nom signifie "celui qui appartient à Soukhos", autre nom de Sobek. C’est dans la cité de Shedet, appelée Crocodilopolis par les Grecs, dans la région du Fayoum, vaste oasis saharienne de Moyenne-Égypte qui doit son extraordinaire fertilité au lac gigantesque creusé à proximité du temple, que l’Égypte entière vient l’adorer sous la forme d’un vieux crocodile somnolant sur la rive. Paré comme une idole, des anneaux d’or aux oreilles, des bracelets de métaux précieux autour des pattes, gavé de viande, de gâteaux et de miel par les prêtres, le dédaigneux reptile, vénéré parce que redouté, semble indifférent aux pèlerins qui se pressent autour de lui pour lui demander conseil, implorer sa clémence ou lui rendre hommage. Les Égyptiens craignent les crocodiles qui pullulent sur les rives du Nil, avalent les baigneurs et déciment les troupeaux. Ils cherchent à s’en protéger avec des charmes ou des amulettes. Pour se prémunir contre l’appétit insatiable de l’animal terrestre, ils vont le diviniser sous la forme de Sobek, animal sacré qui anéantit, dans les mondes souterrains du chaos primitif où il évolue, tous les ennemis de Rê. A leur mort, les crocodiles sacrés sont embaumés et entreposés dans les temples. À la fin du Moyen Empire, plusieurs pharaons de la 13ème dynastie remettent leur règne sous la protection du dieu crocodile en prenant comme nom : Sebekhotep, qui signifie "Sobek est satisfait".
Seule dans toute l’Égypte à refuser de diviniser un vulgaire reptile, l’île d’Éléphantine commet l’acte sacrilège aux yeux du reste du pays de manger les crocodiles, considérés comme simple aliment de base.
Le cheval du Nil – Autre animal sacré, habitant du Nil, l’hippopotame, appelé par les Grecs "cheval du Nil", hippos signifiant cheval et potamos, fleuve, est à la fois adoré et craint, selon sa couleur et sa taille. Adoré sous la forme femelle bienveillante de la déesse Thouéris (ou Opet) au corps d’hippopotame, à la tête de crocodile et aux pattes de lion, protectrice des naissances et incarnation de la fécondité aquatique. Craint sous la forme maléfique de Seth, dieu du désordre et du chaos, du Tonnerre et des Forces violentes, il est considéré par les pharaons comme un animal maudit, ennemi des dieux, qu’il faut exterminer. Les Égyptiens redoutent ce représentant du Nil capable d’affronter la toute puissance de Pharaon, depuis qu’un hippopotame tua Ménès, premier roi d’Égypte, bâtisseur de la ville de Memphis et instaurateur d’un culte voué au crocodile. Après sa mort, il sera représenté par un crocodile saisi dans sa gueule par un hippopotame. Selon certaines légendes, l’hippopotame aurait même participé au combat des dieux. Seth noie son frère Osiris dans les eaux du Nil en prenant la forme d’un hippopotame. Pour venger son père, Horus revêt également la forme d’un hippopotame et affronte son oncle dans les eaux du Nil. Sa mère, Isis, harponne Seth, mais lui laisse la vie sauve. Horus, fou de colère, surgit du Nil et arrache la tête de sa mère grâce à ses puissantes mâchoires. Abondants dans la vallée du Nil, les hippopotames ravagent les cultures et sont considérés comme des ennemis par les paysans, qui les chassent à l’aide d’un harpon. Cette chasse prend très tôt un caractère rituel. Symbole des forces mauvaises, identifié à Seth, l’hippopotame est mis à mort rituellement par le roi sur les représentations figurées des mastabas (tombes). Les mâles blancs, symbole de la toute puissance du mal, sont encore plus redoutés et sont, à Edfou, la ville d’Horus, exterminés par des harponneurs choisis par les pharaons.
Les animaux sacrés du Nil – Si pour les Égyptiens, le crocodile est le maître des eaux du Nil, les oiseaux aquatiques tiennent également une place importante dans la mythologie égyptienne. L’ibis est l’incarnation de Thot, dieu lunaire, patron des scribes, calculateur du temps et maître du calendrier. Les oies représentent tantôt Amon, roi des dieux et dieu de l’Air et du Vent, tantôt Geb, dieu de la Terre, de la Végétation et de la Fertilité. Les hérons symbolisent le lever du jour. De même, certains poissons (latès) et grenouilles personnifient l’âme des divinités. Ainsi le tilapia, poisson qui a coutume d’avaler ses petits en cas de danger et de les régurgiter une fois la menace passée, est-il associé à Hathor, déesse de l’amour et de la joie, emblème de la résurrection.
La grenouille, créature spontanée du Noun, l’Océan primordial, incarnée par la déesse Hequet, patronne de l’accouchement, est liée aux rites de la naissance. Les gror (grenouille en égyptien) peuplent les zones humides des rives du Delta et du Nil et portent le même influx vital que le Fleuve sacré. Détenant ainsi les forces nécessaires à la vie, la grenouille a été, depuis les temps les plus anciens, associée à la naissance, en tant que protectrice de la femme en couches et du nouveau-né. .