La voici, l’eau de vie qui se trouve dans le ciel ; la voici, l’eau de vie qui est dans la terre.
Le ciel flamboie pour toi, la terre frémit pour toi lorsque naît le dieu.Les deux collines se fendent, le dieu se manifeste, le dieu se répand dans son corps."
Hymne – Texte des Pyramides
voyage inspiré par Nicole MARI
H2o – janvier 2007
Le dieu qui naît, c’est l’eau de la crue surgissant entre les rochers d’Éléphantine – où la légende situe l’une des sources du Nil – et qui se répand pour apporter la vie. Toute la richesse de l’Égypte ancienne est suspendue à la crue annuelle du Nil aux abords duquel les peuples se regroupent naturellement. La terre noire fertile, kemi, est entièrement constituée, nourrit et enrichit par des limons déposés par le fleuve au milieu de khaset, la terre rouge du désert. Les anciens Égyptiens appellent la vallée du Nil, "les vergers d’Osiris", et se désignent sous le nom de Remtou Kemi, "Hommes de la terre noire", par opposition aux Khasetiou, les nomades du désert. "L’Égypte est un don du Nil" résume l’historien grec Hérodote. Le pharaon est le maître des "Deux Terres" ou "Double Pays" (la Haute et Basse-Égypte) et le Nil, le lien géographique entre ces deux régions opposées.
La présence obsédante du Nil pose donc d’emblée l’eau au centre de la culture égyptienne. Très tôt et pendant plus de trois mille ans, de la période prédynastique jusqu’au règne de Cléopâtre, cette puissante source de vie revêt un caractère sacré. À la Basse Époque, une croyance affirme que quiconque se noie dans les eaux du Nil devient un dieu. On considère même que l’eau, ayant ruisselée sur les formules et représentations magiques, se charge de vertus guérisseuses. Certains temples possèdent dans leur enceinte un lac sacré, symbole des eaux primordiales. Ce sont de vastes bassins aux bords maçonnés et munis d’escaliers latéraux permettant aux prêtres de faire leurs ablutions à l’aurore. Reliés au fleuve, ils ne sont jamais asséchés.
Chez les Égyptiens, l’histoire est avant tout mythe. Elle raconte les origines de l’humanité et la manière dont les Dieux ont bâti leur pouvoir. Ces récits mythologiques ont une fonction sociale et religieuse. En relatant les luttes pour le pouvoir, ils renforcent le pharaon, incarnation de la stabilité. En décrivant la naissance du monde, ils montrent comment l’ordre se substitue au chaos. La religion, qui occupe une place considérable dans la vie quotidienne, repose sur un principe de réciprocité. Pour préserver l’équilibre terrestre, les prêtres sont contraints d’accomplir, chaque jour, une longue série de rites immuables, censés nourrir l’énergie vitale des dieux. Le peuple égyptien remet sa destinée sous la protection d’une multitude de divinités très populaires, qu’il vénère assidûment. Plus le culte est assidu, plus les dieux accordent leurs faveurs, maintiennent l’harmonie du monde et préservent de tout malheur.
Les Anciens Égyptiens conçoivent le monde comme un disque entouré d’un océan (le Grand Circuit), le Noun, d’où sort le Nil, qui partage la terre en deux. La terre est le corps du dieu Geb, que Shou le dieu de l’air, sépare du ciel incarné par la déesse Nout. La terre est maintenue aux quatre coins du monde par quatre supports. Les Égyptiens appellent ce fleuve issu de cette mer primitive : "la mer", ioumâ, ou bien : "le grand fleuve", ioter aa. En revanche, on ne sait pas d’où vient le nom de Néilos donné par les Grecs.
Au commencement donc est Noun, l’océan primordial, d’où surgit par autocréation spontanée le Soleil Atoum. Atoum-Ré, dieu créateur par excellence, engendre à partir de son crachat ou de son sperme, selon les traditions, le premier couple divin : les jumeaux Shou (l’air impalpable, le souffle) et Tefnout (l’humidité), qui forment l’atmosphère lumineuse. De leur union charnelle naît le second couple jumeau de l’humanité : Geb, la Terre, et Noût, le Ciel, qui enfantent Osiris et Seth et leurs épouses respectives, Isis et Nephtys. Commencent alors les tribulations de cette terrible famille, qui symbolisent l’âpre lutte que se livrent les éléments primordiaux avant que le monde n’accède à la stabilité. L’ingratitude de sa descendance fait verser à Atoum-Ré des larmes amères qui, en touchant le sol, donnent naissance aux hommes.
Tout le panthéon égyptien, comme ses deux principales divinités, Isis et Osiris, est relié à l’eau. La grande magicienne Isis naît dans les marécages du delta du Nil, attirant à elle le principe humide, et s’unit à Osiris, dieu de la Végétation. Pour cette raison, elle donne son nom à l’étoile Sothis, dont l’apparition annonce la crue du Nil. Osiris confère à l’eau du Nil sa force fécondante, qui meurt lors de l’inondation pour renaître au printemps, après un séjour sous terre, comme le grain semé. Nous avons choisi dans cette évocation mythologique de ne présenter que les principales divinités aquatiques, directement liées à l’eau du Nil.