La question de l’assainissement n’est pas toujours bien comprise, ni dans ce qu’elle couvre, ni dans ses impacts sur notre vie quotidienne. Voici quelques éclairages utiles…
L’assainissement domestique consiste à évacuer puis traiter l’ensemble des rejets domestiques, solides (déchets ménagers) ou liquides (eaux usées).
Dans nos sociétés, le cycle de l’assainissement domestique des eaux usées comprend 3 étapes : l’évacuation des eaux usées (des toilettes, de la cuisine, de la salle de bain), leur acheminement via un réseau de canalisation des habitations jusqu’à un lieu de traitement (station d’épuration, lagunes) et le traitement de ces eaux avant le rejet dans le milieu naturel et l’élimination des boues produites lors de la clarification des eaux usées. Ce cycle est surtout valable pour les villes et les villages ayant un habitat concentré. En effet, dans les zones d’habitat dispersé, le système d'assainissement est individuel. Il se compose alors d’une fosse septique suivie d’un épandage souterrain.
Mais ce schéma complet est loin d’être une réalité partout. Dans plusieurs régions du monde, ce que l’on appelle la crise de l’assainissement commence par l’absence d’accès à des toilettes, première étape indispensable à la mise en place du cycle de l’assainissement. L’accès à des toilettes est encore loin d’être assuré dans de nombreuses régions du monde : 2,6 milliards de personnes en sont encore privées, soit près de 40 fois la population de la France !
Ces personnes n’ont pas accès à un assainissement de base, c’est-à-dire à des latrines (toilettes sèches). Si les chiffres prenaient pour référence le modèle que nous connaissons ici (toilettes "à siphon" ou "en eau" avec évacuation vers un égout ou une fosse septique), alors ce seraient 4 milliards de personnes qui ne disposent pas d‘un système d’assainissement adéquat (Source : Rapport mondial sur le développement humain, Programme des Nations Unies pour le développement – PNUD, 2006).
La Coalition Eau a décidé de concentrer ses efforts de sensibilisation sur cette première étape, celle des toilettes, car si le Nord peut se permettre d’aborder les questions plus complexes d’évacuation et de traitement, une grande partie de l’humanité est encore privée de ce minimum vital que sont les toilettes, minimum sans lequel les autres étapes de traitement n’ont aucun sens.
Des conséquences sur la santé – En l’absence de toilettes, la manière traditionnelle de se soulager (en pleine nature, dans des sacs plastiques, à proximité d’habitations ou de points d’eau) engendre de graves risques sanitaires. Les excréments, qui sont des réservoirs à microbes, se retrouvent à la portée des adultes et des enfants, des animaux et des insectes, et contaminent les cours d’eau puisqu’ils ne sont pas stockés dans un endroit clos, ni évacués loin des lieux d'habitation pour être traités. Ces excréments sont dangereux : 1 gramme peut contenir jusqu’à 10 millions de virus, 1 million de bactéries, 1 000 kystes parasites et une centaine de larves (Source : Année internationale de l’assainissement, vue d’ensemble, UNICEF). L’absence d’infrastructures d’assainissement entraîne leur dissémination dans l'environnement. Ainsi, ces microbes se propagent partout : pollution des eaux de surface, infiltration dans les sols, propagation par les mouches et par les personnes. Ces vecteurs de transmission peuvent ensuite être en contact avec l’eau ou la nourriture qui va être ingérée. De même, si l’endroit servant à la défécation se trouve à proximité du point d’eau (puits), l’eau sera polluée. Souvent, cette eau sera consommée par des familles entières. Cette ingestion ou ce contact avec une eau polluée par les excréments est mortelle. Les maladies hydriques (notamment le choléra et la typhoïde), dont la transmission est directement liée à l’existence de contacts entre les personnes et les agents pathogènes présents dans les excréments humains, sont responsables de 1,8 millions de décès par an, dont 90 % sont des enfants de moins de 5 ans : il s’agit de la 2ème cause de mortalité pour les enfants de moins de 5 ans (Source : Rapport mondial sur le développement humain, PNUD, 2006). Le risque de transmission de maladies est donc très élevé et comporte de trop nombreuses répercussions sur la santé, la société et l’environnement.
Des conséquences sur la vie quotidienne des jeunes filles et des femmes – L’absence d’accès aux toilettes a des conséquences plus importantes encore pour les personnes handicapées, les enfants en bas âge mais aussi les femmes et les jeunes filles. Dans les villages, le manque d’assainissement, la proximité des maisons et l’absence de couverture végétale obligent les femmes à trouver, à la nuit tombée, un lieu à l’abri des regards. Elles sont ainsi exposées à tous types de risques (risques de violence ou de harcèlement, présence d’animaux sauvages, etc.). Pour les filles, l’absence de système d’assainissement dans l’enceinte de l’école peut aller très loin : certains parents préfèrent que leurs filles sortent du système éducatif à la puberté, parce que leur dignité et leur sécurité ne seront plus assurées. L’accès à l’assainissement de base dans les écoles constitue, dans ce cas, un argument de plus facilitant la scolarisation des filles comme celle des garçons. Une étude réalisée par le gouvernement du Bangladesh et l’UNICEF a montré que la scolarisation des filles pouvait augmenter de 11 % simplement en leur fournissant des installations sanitaires (Source : Evaluation of the use and maintenance of water supply and sanitation systems in primary schools : phase 1 : final report, DPHE – DPE – UNICEF, 1994).
Des conséquences sur l’environnement – Malgré une certaine capacité d’autoépuration des milieux aquatiques, dans bien des zones aujourd’hui, les cours d’eau ne peuvent plus faire face à l’augmentation de la pression liée à l’activité humaine. En raison de l’absence de toilettes, les éléments pathogènes contenus dans les excréments s’infi ltrent dans les eaux souterraines, les lacs ou les rivières. Ces rejets, sans traitement, provoquent l’asphyxie des plans d’eau (la pollution génère la prolifération d’algues qui monopolisent l’oxygène disponible dans l’eau). Ils rendent insalubres des sources d’eau souvent utilisées et consommées par des humains.
Des conséquences économiques – L’accès à l’assainissement a aussi des conséquences économiques à l’échelle d’un pays : les maladies liées à la contamination des eaux impliquent des dépenses de santé colossales pesant sur le budget des ménages et de l’État. Prévenir ces maladies grâce à la mise en place d’un système d’assainissement permet de réduire considérablement certaines de ces dépenses. L’OMS estime qu’atteindre l’OMD Assainissement permettrait d’économiser 66 milliards de dollars US en temps, en productivité, en maladies évitées, en dépenses médicales et en frais d’enterrement (Source : Evaluation of the costs and benefits of water and sanitation improvements at the global level, Hutton G. et Haller L., OMS, 2004).
Contenir les excréments hors de portée des hommes, des insectes et des sources d’eau, par l’installation de toilettes, permet de mettre un terme au cercle vicieux de la contamination. Des moyens effi caces existent pour empêcher la dissémination de la pollution d’origine fécale dans le milieu environnant et pour traiter efficacement les excrétas de façon à ce qu’ils ne présentent plus de risque pour la santé publique et pour l’environnement : il serait inacceptable de rester les témoins passifs de l’insalubrité infl igée aux plus vulnérables.
Parce que l’assainissement n’est toujours pas considéré comme une priorité dans les contextes où l’accès à l’eau potable n’est pas assuré.
Parce que la demande des populations pour l’assainissement est faible, car le lien entre manque d’assainissement et maladies n’est pas toujours bien assimilé.
Parce que l'assainissement est un sujet perçu comme intime et tabou, ce qui incite les décideurs locaux à considérer qu’il relève de la sphère privée et freine les pouvoirs publics dans le développement de plans d’actions.
Parce que les financements manquent. Ce manque de financements nationaux et internationaux consacrés à l’assainissement freine le développement de programmes d’accès.