illustration – Sommet des P7
Les collectivités locales françaises disposent d’un outil : la coopération décentralisée.
C‘est un cadre de soutien, de discussion et d’échanges entre une commune du Sud et une
commune du Nord, dans lequel la connaissance du niveau local constitue une plus value déterminante
pour l’efficacité de la coopération, difficile à trouver dans les relations de coopération
proposées par les autres acteurs multilatéraux et bilatéraux.
Les collectivités, actrices incontournables des territoires, ont un rôle essentiel à jouer pour
consolider une relation de solidarité entre élus et citoyens, ici et là-bas : c’est important qu’elles
s’en saisissent.
En France, les communes ont la compétence "eau et assainissement". Dans ce cadre, elles ont notamment en charge l’organisation du service, la gestion du système d’assainissement collectif (évacuation et traitement des eaux usées en station d’épuration) et le contrôle de l’assainissement individuel (fosses, etc.). Elles assurent ainsi la maintenance de l’ensemble du système (entretien, fonctionnement) et sont en charge des investissements nécessaires de modernisation ou de construction de nouveaux équipements. Une partie des dépenses engagées est ponctionnée sur la facture d’eau des usagers. Les communes peuvent soit gérer elles-mêmes l’ensemble de ces attributions, soit en déléguer la gestion à un tiers, c’est-à-dire transférer à une entreprise ou une société d’économie mixte la responsabilité complète de tout ou partie de la gestion de ce service. Les communes qui choisissent de garder l’entière gestion de cette compétence conservent et développent une importante expertise sur le traitement des eaux usées, mais aussi la protection des sols, la prévention des pollutions des eaux, etc.
Les communes, confrontées
aux réalités de leur territoire
en matière d’assainissement,
sont susceptibles de partager
leur expertise et leur expérience
avec des homologues étrangers
rencontrant des difficultés sur
ce dossier – En plus de ces compétences,
les communes ont, depuis la loi
Oudin-Santini du 9 février 2005,
les moyens financiers leur permettant
de développer et de renforcer
des projets de coopération internationale
pour l’accès à l’assainissement.
L’intervention de ces
acteurs clefs dans la dynamique
internationale actuelle permettrait
d’accroître le nombre d’acteurs
mobilisés, de contribuer à une
mobilisation financière supplémentaire,
de montrer l’exemple et
d’inciter d’autres communes dans
le monde à agir dans le même
sens…et surtout, de multiplier des
projets proches du terrain et des
réalités locales, grâce à une forme
de coopération qui ne s’arrête
pas au financement d’infrastructures
mais qui propose un soutien
politique et institutionnel précieux
pour un élu confronté à ce dossier
d’envergure.
La coopération décentralisée comprend
toutes les relations de coopération,
d’échanges, d’entraide et
de renforcement mutuel entre les
collectivités locales françaises et
des collectivités équivalentes dans
d’autres pays.
Cette coopération peut prendre
la forme d’appui au développement,
d’assistance technique, ou
de partage et d’échange d’expériences
à une échelle locale. En
privilégiant la dimension locale, ce
type de coopération peut proposer
un mode d’intervention pragmatique,
proche du terrain, à même de
répondre aux préoccupations des
élus et des populations locales. Le
partenariat engagé entre les deux
communes s’inscrit dans le temps,
et présente plus d’intérêt qu’une
action ponctuelle. Cette démarche
est reconnue et encadrée depuis
la loi du 6 février 1992 relative à
l’administration territoriale de la
République.
La Loi Oudin-Santini est venue
compléter les textes existants
en facilitant l’engagement des
communes et de certains établissements
publics sur des programmes
eau et assainissement. Elle
permet en effet aux communes,
aux établissements publics de
coopération intercommunale, aux
syndicats mixtes chargés des
services publics d’eau potable et
d’assainissement, aux agences de
l’eau, etc., d’affecter jusqu’à
1 % de leur budget annexe "eau et
assainissement" à des actions de
coopération internationale dans
ce même domaine (alors que la loi
de 1992 permet aux collectivités
de financer leurs actions sur leur
budget général).
En prenant appui sur l’un ou l’autre de ces textes législatifs, toute collectivité territoriale française (commune, communauté urbaine, conseil général et régional, syndicat d’eau, agence de l’eau, etc.) peut s’engager dans la solidarité internationale selon quatre pistes d’intervention.
Première possibilité – La collectivité mène elle-même son action de solidarité avec ses propres compétences techniques et humaines et gère elle-même son budget, dans le cadre d’un partenariat direct avec une collectivité territoriale du Sud.
Deuxième possibilité – La collectivité rejoint un réseau de collectivités déjà existant au niveau local ou régional, et vient alors contribuer à une action, à un budget ou à un objectif plus vaste.
Troisième possibilité – La collectivité préfère limiter son action à la mise à disposition d’un budget. Elle affecte son financement à un projet proposé et mené par un acteur tiers, le plus souvent une ONG.
Quatrième possibilité – La collectivité conserve le choix, la mise en œuvre et la gestion de son budget et de son programme en relation directe avec un partenaire du Sud mais sous-traite une partie de son action (étude de faisabilité, suivi de chantiers, évaluation, contrôle technique…) à un ou des prestataires extérieurs, ONG ou bureau d’études.
Cet outil est précieux. Il permet
d’affecter du financement à un
projet de solidarité internationale,
mais aussi de partager des
compétences : les acteurs de pays
en développement (élus, services
techniques, usagers, entreprises,
artisans, etc.) ont besoin d’échanges
de fond, mais aussi de capacités
renforcées pour créer leur
service d’eau et d’assainissement,
et leur permettre de perdurer.
Si cet outil permet d’importants
progrès dans le domaine de
l’accès à des dispositifs d’assainissement,
la Coalition Eau reste
néanmoins vigilante quant aux
dérives potentielles : la loi Oudin-Santini ne doit pas
constituer une taxe supplémentaire
pour les seuls usagers particuliers
(on l’estime à 2 ou 3 euros par an
pour un foyer de quatre personnes) ; ce prélèvement doit être effectué
sans augmentation de la
facture d’eau : l’usager n’est pas
pénalisé individuellement puisque
la collectivité affecte librement une
partie de ses ressources ; la loi Oudin-Santini n’est pas
faite pour promouvoir le savoir-faire
français, et encore moins les
intérêts des entreprises du secteur,
mais pour servir le développement
de la solidarité internationale et
l’atteinte des OMD.
La loi Oudin-Santini offre une
possibilité non négligeable de mobilisation
des collectivités locales
françaises autour de programmes
de coopération favorisant l’accès
à l’assainissement. Selon le
PS-Eau (Programme Solidarité
Eau), si toutes les collectivités
jouaient le jeu à l’échelle française,
c’est-à-dire si elles consacraient
toutes 1 % de leur budget "eau et
assainissement" à la coopération
décentralisée, 100 millions d’euros
supplémentaires pourraient être
mobilisés (Source : La lettre du
pS-Eau, numéro 53, décembre
2006).
Mais ce potentiel est encore sous
exploité. Selon les dernières
données disponibles, la contribution
des acteurs français de la
coopération décentralisée dans le
domaine de l’eau et de l’assainissement
s’élèverait en 2005 à
18 millions d’euros.
Plus des trois-quarts des départements, la quasi-totalité des grandes villes et des communautés urbaines et de très nombreuses petites et moyennes communes sont impliqués dans des projets de coopération à l’international, tous secteurs confondus. Ces acteurs ont un savoir-faire particulièrement riche dans le domaine de l’assainissement, et notamment : maîtrise des outils et mécanismes de planification urbaine, organisation de la gestion des services de l’eau et de l’assainissement, ingénierie technique, ingénierie financière, montage de projet, animation de cadres de concertation entre opérateurs du service et usagers, formation et transfert de compétences aux techniciens et élus locaux, sans oublier une contribution financière. Des communes ont déjà contribué à mettre ces compétences au service d’autres collectivités du Sud. La communauté urbaine de Lille métropole s’est par exemple engagée dans un partenariat de longue durée avec des collectivités libanaises. Elle appuie par ses expériences et ses compétences la création et le fonctionnement d’une agence de développement municipal qui assure une mission d’assistance à maîtrise d’ouvrage auprès de plusieurs municipalités. Il existe donc une expertise française et une mise en œuvre effective de relations de coopération décentralisée pour l’assainissement, qui devraient inciter d’autres communes à s’engager.