Les femmes
GARDIENNES DES TERROIRS

L'interview de Fatimetou Mint ABDEL MALIK - Maire de Tevragh Zeina 

propos recueillis par Martine LE BEC

H2o – mars 2006

 

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Même si la Mauritanie a auparavant connu deux femmes maires, Madame Fatimetou Mint Abdel Malik est actuellement l'unique femme à occuper cette fonction dans le pays. Sa circonscription est celle de Tevragh Zeina, l'une des neuf communes qui composent l'agglomération de Nouakchott. Fatimetou Mint Abdel Malik est aussi la représentante de la cellule mauritanienne du réseau des femmes sahéliennes, REFESA.
Photo Martine Le Bec – février 2006
 

 

Tevragh Zeina donne l'impression d'être l'une des communes, sinon la commune la plus favorisée de l'agglomération de Nouakchott. Est-ce exact ?

Située à la limite du centre historique et administratif de la capitale, Tevragh Zeina peut effectivement faire figure de privilégiée. C'est la commune qui reçoit le plus de recettes. En matière d'infrastructures, elle est de fait mieux dotée que les autres ; 85 % des habitations sont connectées au réseau d'eau potable – seuls les quartiers périphériques ne sont pas desservis. Alors aussi que l'ensemble de l'agglomération de Nouakchott ne dispose que de 26 kilomètres de réseau d'assainissement, 20 sont concentrés sur Tevragh Zeina et sur le centre. Mais les réseaux, qui datent de la création de la ville en 1964, sont très vétustes et entièrement à refaire ; la station d'épuration ne reçoit pas plus du tiers des eaux usées qu'elle devrait faire.
 

Combien d'habitants compte la commune ?

En 2003, elle en comptait 53 000, ce qui eu égard à sa superficie ou à la population globale de Nouakchott – sans doute aujourd'hui près de 800 000 habitants – est peu. Le tissu social de Tevragh Zeina est néanmoins contrasté. Les riches côtoient les pauvres, avec – par hasard, les riches au nord et les pauvres au sud.
 

En plus de vos responsabilités de maire, vous êtes la représentante du réseau des femmes sahéliennes. À ce titre que pensez-vous de la situation de la femme en Mauritanie ?

La situation de la femme en Mauritanie est la situation de la femme dans n'importe quel pays pauvre mais la grande sécheresse du début des années 1970 aura au moins eu un effet positif : celui de sédentariser une large partie de la population. Les vrais nomades ne représentent plus que 3 % des Mauritaniens, même si 20 % d'entre eux continuent d'effectuer des transhumances saisonnières, dans le temps limitées sur les vacances scolaires. Il en résulte que les enfants peuvent être scolarisés en même temps que les femmes peuvent se consacrer à de nouvelles activités et par là améliorer un peu leur quotidien. La femme mauritanienne est par ailleurs réputée pour son esprit d'entrepreneur ; sa culture n'est pas celle du monde arabe en général. Ceci est un élément essentiel pour le développement REFESA en Mauritanie, puisque l'implication des femmes dans ce type de réseau est directement fonction de leur degré d'éveil par rapport à leur environnement et par rapport à ce qui se passe à l'extérieur de chez elles. En réalité, les femmes sont en Mauritanie – comme dans n'importe quel pays en développement, les véritables gardiennes des terroirs. Ce sont elles qui sont à la base de la ration alimentaire familiale et qui, par leurs activités, entretiennent en enrichissent les territoires.
 

Quelles sont les activités principales du réseau en Mauritanie ?

En matière d'environnement, nous travaillons beaucoup sur le reboisement des territoires ; nous nous attachons aussi à développer la formation, nous avons pour cela former une vingtaine de jeunes femmes capables d'aller enseigner les savoir faire dans les diverses régions du pays. Très concrètement nous avons aussi mis au point deux techniques de culture hors sol : il s'agit de deux techniques de culture sur tables, faciles à mettre en oeuvre à partir de matériaux de récupération. L'une est une technique de substrat, pour les plantes à tubercule, et l'autre est une technique de floating, qui permet de cultiver des tomates ou des salades. Le substrat est lui-même naturel, composé à partir de feuilles mortes, de coquillages et de petits cailloux – qui sont en plus ici riches en fer ! Les femmes peuvent d'abord s'exercer sur une seule table, ce qui leur permet rapidement de produire des légumes pour leur famille et puis, si elles ont un peu d'initiative, elles peuvent aussi rapidement se construire de nouvelles tables et développer ainsi une petite activité qui leur fera gagner un peu d'argent. Ce qui est génial là-dedans, c'est qu'elles n'ont pas besoin de grand chose pour se lancer.
 

Et en plus, ça ne prend pas trop de place...

Oui, celles qui appartiennent à des tribus nomades peuvent même emporter leur jardin dans leurs déplacements ! .

 

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LE RÔLE DES FEMMES EN CHIFFRES

Les femmes rurales produisent plus de 50 % des aliments de la planète. En Afrique subsaharienne et aux Caraïbes, elles fournissent 80 % des denrées alimentaires de base.

Les femmes représentent aussi, selon les pays, entre 50 et 90 % de la main d'oeuvre utilisée dans les rizicultures.

CEPENDANT les femmes ne contrôlent que 1 % des terres qu'elles cultivent. La pauvreté est aussi le lot de 50 % d'entre elles dans le monde contre 30 % pour les hommes.
 

 

REFESA - RÉseau des FEmmes SAhéliennes 

Le RÉseau des FEmmes SAhéliennes a été créé à Banjul (Gambie) en 1997 à l'issue d'un atelier de réflexion de Sahel 21, organisé par le CLISS – Comité permanent inter-Etats de lutte contre la sécheresse au Sahel. Le réseau vise à servir de cadre de mobilisation, de concertation et d’échange d’expériences et d’informations entre les femmes sahéliennes au niveau national et régional.

Ses principales missions sont : d'engager des actions de pression ou de plaidoyer en faveur de la cause des femmes sahéliennes ; de défendre et de promouvoir l’approche Genre et Développement afin que la dimension homme/femme soit considérée comme principe directeur dans la recherche de solution à toute problématique de développement ; de promouvoir les échanges d’expériences, d’informations et de technologies ; d'organiser des concertations permanentes entre les membres pour l’élaboration, la mise en oeuvre et le suivi-évaluation de programmes et projets concernant les femmes au Sahel ; d'appuyer et d'encadrer les coordinations nationales dans la réalisation de leurs programmes ; de développer le partenariat avec les autres organisations nationales de femmes sahéliennes.

Le réseau regroupe aujourd'hui près de 200 organisations.