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Riccardo PETRELLAL'accès à l'eau n'est-il pas un droit ? L'eau appartient-elle à l'économie des biens communs et du partage de la richesse, ou au champ de l'économie privée ? Comment organiser la responsabilité collective de la gestion et du financement de l'approvisionnement de cette ressource limitée ?

L'eau, bien commun public

Alternatives à la

Une personne sur quatre dans le monde est aujourd'hui privée d'eau potable. Patrimoine commun de l'humanité, élément vital, l'eau, pour Riccardo Petrella, n'est pas une ressource comme une autre, mais un bien commun irremplaçable qui ne saurait être considéré comme une marchandise. Il nous invite à réfléchir et échanger sur les enjeux cruciaux que pose la gestion de l'eau à l'échelle de la planète. L'accès à l'eau n'est-il pas un droit ? L'eau appartient-elle à l'économie des biens communs et du partage de la richesse, ou au champ de l'économie privée ? Comment organiser la responsabilité collective de la gestion et du financement de l'approvisionnement de cette resource limitée ? Pour Riccardo Petrella, l'eau est une affaire de citoyenneté qui nécessite un haut degré de démocratie au niveau local, national, mondial et qui pose la question du "vivre ensemble aujourd'hui et demain".

Bien commun et bien(s) commun(s)
extrait


Au fait, qu'est-ce que c'est
l'eau ? Quelle est la vision que l'on doit avoir de l'eau ? Que
représente-t-elle pour les humains, pour la société, pour la planète ?
Ma réponse est apparemment simple : l'eau est la vie, l'eau est à
l'origine de la vie, elle est essentielle, insubstituable à la vie.
Pour cette raison, elle doit être considérée comme un bien commun, plus
précisément un bien public mondial. L'eau fait partie du bien commun.

Le
bien commun est l'ensemble des principes (par exemple, la dignité
humaine, la liberté, la justice...), des institutions (pensons à la
démocratie représentative...), des biens (tels que les forêts, la
langue maternelle, la sécurité...) et des moyens (par exemple, le
budget national, la fiscalité à finalité redistributive, la police...)
que la société se donne et dont elle assure la responsabilité
collectivement pour garantir le droit à la vie, humainement digne, à
tous ses membres (les citoyens), le vivre ensemble le plus coopératif
et pacifique possible, un devenir "soutenable" au niveau de
l'écosystème en général, dans l'intérêt aussi du droit à la vie des
générations futures et de l'ensemble des espèces vivantes.

La notion
du bien commun reste nécessairement vague, car ses contenus réels
dépendent de la culture et de l'histoire de chaque société. Ainsi, en
Occident, en particulier en Europe de l'Ouest, le bien commun a été
assimilé après la seconde guerre mondiale au système de "welfare" (bien
faire, bien-être collectif). En Europe de l'Est et en Union soviétique,
l'assimilation a été faite avec "communisme", "socialisme réel". C'est
dire qu'entre la définition et la réalité la distance est bien grande.

La
définition de bien commun ci-dessus assume l'idée qui me paraît
pertinente selon laquelle il n'y a pas de bien commun en l'absence de
biens communs et surtout, même si elle ne le dit pas explicitement, des
biens communs publics. La plupart des éléments essentiels à la vie, au
vivre ensemble et au devenir de la planète, sont communs dans le sens
qu'ils ne sont pas spécifiques à une forme de vie particulière, à un
lieu, à un sujet. L'eau, justement, est un bien commun. Même les
responsables des entreprises multinationales privées de l'eau affirment
que l'eau est un bien commun naturel. L'eau de pluie, l'eau des
rivières, l'eau des nappes constituent un bien commun. Elles
appartiennent à la vie. II en va de même de l'air, de la forêt, de la
connaissance.

 

L'auteur – Fondateur du Groupe de Lisbonne qu'il préside, fondateur et secrétaire
du Comité mondial de l'eau, Riccardo Petrella est professeur à
l'université catholique de Louvain où il enseigne "la mondialisation"
et "la société de l'information". Il a été directeur pendant quinze ans
du programme de recherche Fast (Forecasting Assessment in Science and
Technology) à la Commission européenne. Il est enfin l'auteur du Bien
commun
(1996), des Écueils de la mondialisation (1997) et du Manifeste de l'eau. Pour un contrat mondial (1998).