Abandonner les idées reçues, affronter les réalités
Croissance démographique, intensification des activités industrielles, extension de l’irrigation agricole... nos besoins en eau ne cessent de s’accroître, avec la crainte grandissante d’en manquer un jour. Dans le même temps, aujourd’hui, près de 4 milliards de personnes n’ont toujours pas un accès satisfaisant à l’eau potable, alors que nombre d’entre elles habitent dans des régions qui regorgent d’eau.
Si la ressource est là, renouvelable, réutilisable, comment se fait-il qu’elle reste encore inaccessible à la moitié de l’humanité ? Quels sont les enjeux humains, sanitaires, économiques et politiques de la gestion de l’eau ? Pouvons-nous prévoir les changements liés à l’eau au cours des prochaines décennies et leurs effets sur nos existences et nos sociétés ?
Ces questions sont complexes, et les idées reçues sur le sujet nombreuses. Méconnaissance des enjeux, ambiguïté du langage et mauvaises interprétations constituent des freins à la prise de décision et à la conduite des actions nécessaires. Loin des propos alarmistes, confus ou approximatifs, cet ouvrage vient affronter ces a priori et éclairer le débat en exposant les solutions possibles pour faire face aux grands défis d’aujourd’hui.
Plus la population mondiale croît, plus les hommes auront besoin d’eau douce et plus les solutions nécessiteront des organisations collectives. J’attends de cette année 2013, consacrée à la coopération dans le domaine de l’eau, qu’elle incite tous les utilisateurs (population, collectivités, agriculteurs, industriels) à coopérer davantage pour faciliter les bonnes décisions locales. J’espère aussi qu’elle permettra une prise de conscience de l’urgence d’un accord entre tous les pays pour remédier au manque d'ambition ou à l'inexistence des actuels objectifs mondiaux en matière d’accès à l’eau potable, de gestion de la pollution des eaux ou d’amélioration des usages de l’eau. En apportant une meilleure compréhension des défis et des besoins liés à l’eau, ce livre est une contribution à l’appel des Nations unies pour une meilleure coopération.
L’opinion publique est traversée d’idées reçues qui conduisent à des compréhensions erronées des enjeux. Cela génère des blocages auprès des pouvoirs publics et freine la mise en place de solutions aux défis croissants de la gestion de l'eau à travers le monde. Ce livre s’efforce de démonter, une à une, ces idées reçues et d’apporter une vision politique claire et conforme à la réalité qui devrait faciliter une meilleure organisation collective de la gestion de l’eau. En particulier, je donne des pistes pour une mise en œuvre du droit de l’homme à l’eau potable, droit reconnu en 2010 par les Nations unies.
Ce livre a identifié plus d’une quarantaine d’idées reçues sur l’eau. Beaucoup pensent que seules 800 millions de personnes n’ont pas un accès satisfaisant à l’eau potable, la réalité est bien pire que cela : ce problème concerne près de la moitié de l’humanité. Si des milliards de personnes n’ont pas d’accès à l’eau potable, ce n’est pas parce que l’eau manque. Il est courant d’entendre que les pénuries d’eau sont le fait de la nature alors que c’est la consommation toujours croissante des activités humaines qui en est la cause principale. On croit que l’accès à l’eau potable progresse à travers le monde, il se dégrade pourtant dans les villes. On lit ou on entend souvent préconiser de subventionner le prix du mètre cube d’eau dans le but d’aider les habitants pauvres des bidonvilles à avoir de l’eau. Pourtant cela n’apporte aucune goutte d’eau supplémentaire aux 40 % de la population mondiale qui n’ont pas accès aux services publics et qui, en ville, paient très cher pour d’autres solutions.
Gérard Payen
Sommaire – Abondance planétaire, pénuries locales croissantes : Avons-nous moins d’eau que nos parents ? Homme ou nature, à qui la faute ? Le changement climatique : responsable ou révélateur des tensions actuelles sur les ressources en eau ? La guerre de l’eau aura-t-elle lieu ? Comment satisfaire durablement tous les besoins ? Les ressources en eaux sont limitées, mais les utilise-t-on au mieux ? Peut-on réduire sa consommation d’eau sans compromettre ses activités ? Organiser les usages successifs de l’eau. Comment compenser les déficits locaux par l’importation virtuelle d’eau ? La menace des pollutions résultant des activités humaines : Qui pollue le plus, les hommes ou la nature ? Dépolluer les eaux usées, rêve ou nécessité ? Assainissement et eaux usées, confusions terminologiques et incompréhensions La maîtrise des pollutions : un droit ou un luxe ? Les bénéficiaires de l’eau potable et les autres : L’accès à l’"eau potable" : une notion mal définie, source de malentendus. Le nombre de personnes qui n’ont pas accès à l’eau potable sur la planète baisse-t-il ? Des besoins sous-estimés par l’opinion publique. Fracture sociale et insuffisance des services publics. Accéder à l’eau potable est-il un droit ? Une course-poursuite permanente avec la croissance des villes : Des progrès notables en milieu rural. Accès à l’eau en ville : progrès ou détérioration ? Pourquoi la dynamique urbaine est-elle si mauvaise ? Les politiques publiques doivent-elles privilégier l’accès à l’eau potable en milieu rural ou en milieu urbain ? Les bidonvilles posent-ils des problèmes insurmontables ? Pourquoi l’eau potable n’est-elle pas accessible à tous ? Si des milliards de personnes n’ont pas d’eau potable, est-ce parce que l’eau manque ? L’obstacle principal est-il économique ? Pourquoi le téléphone mobile se développe-t-il plus vite que l’accès à l’eau potable ? De nombreux obstacles institutionnels et politiques. Qui décide quoi ? Difficultés et pièges de la gouvernance de l’eau. Faut-il des décisions au niveau mondial pour améliorer l’accès des populations à l’eau potable ? Affronter les réalités économiques : Le mythe de l’"or bleu". Prix, coût, financement, économie : arrêtons de tout confondre. Pauvreté et eau : des idées reçues qui entravent l’action. Les décideurs ont-ils les bons outils économiques de décision ? Le syndrome du lampadaire : Les opérateurs privés : des outils méconnus au service des politiques publiques. Une minorité sous les feux de la rampe. La propagande des lobbies anti-privé. Stigmatiser des boucs émissaires : un frein au droit à l’eau potable. L’urgence d’actions collectives plus ambitieuses : Sommes-nous organisés pour obtenir les résultats souhaités ? Les objectifs mondiaux sont-ils assez ambitieux ? Conclusion : Laissons nos préjugés, agissons – L’eau est bien mal considérée. Agissons au lieu de croire à la fatalité. 2015 : le test des objectifs mondiaux de développement durable.
L'auteur – Gérard Payen est un praticien expérimenté de la
gestion de l’eau sur tous les continents, dans les pays riches et dans
les pays en développement. Il travaille aujourd’hui à la mobilisation de
la communauté internationale, comme conseiller pour l’eau du secrétaire
général des Nations unies (UNSGAB), comme président d’AquaFed, la
fédération internationale des opérateurs privés de services d’eau et
comme président du conseil stratégique de l’association mondiale des
professionnels publics et privés de l’eau (IWA). Il a participé à toutes
les grandes rencontres mondiales liées à l'eau de la dernière décennie.