Dynamiques et facteurs de migrations dans le sud du Sahara
Titre | L’Afrique rurale en mouvement. Dynamiques et facteurs de migrations dans le sud du Sahara |
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Éditeurs | FAO / CIRAD GovInn (réalisation technique) |
ISBN | 978-92-5-109974-2 978-2-87614-730-0 |
Pages | 60 |
Sortie | 2017 |
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La FAO et le CIRAD publient le premier atlas visant à mieux comprendre la complexité des modèles de migration rurale en Afrique subsaharienne. Intitulé L’Afrique rurale en mouvement. Dynamiques et facteurs de migrations dans le sud du Sahara, l'atlas souligne le rôle important que les zones rurales continueront de jouer dans les futurs phénomènes migratoires du continent.
"La croissance de la population se traduit par une forte augmentation de la population active. Près de 380 millions de personnes en âge de travailler sont appelées à entrer sur le marché du travail d'ici 2030, dont 220 millions dans les zones rurales. Le défi est de créer assez d’emplois pour absorber toute cette main d’œuvre. Ainsi, c’est pour toutes ces raisons que l’agriculture et le développement rural doivent faire partie intégrante de chaque intervention déployée pour faire face aux grands mouvements migratoires afin d'exploiter au mieux le potentiel des migrations, au profit du développement", a déclaré Kostas Stamoulis, sous-directeur général et responsable du département Développement économique et social.
À travers une série de cartes et d’études de cas approfondies, les 20 auteurs de l’atlas, issus de différentes institutions de recherches, de think tanks ou encore d’organisations internationales basées en Afrique ou hors d’Afrique, explorent la complexité des causes, parfois interconnectées, qui conduisent les africains à quitter leurs maisons. Ensemble, ils apportent des éléments de réponses aux questions liées aux dynamiques et aux perspectives régionales migratoires et de la sorte, aident à mieux comprendre le phénomène de migration rurale. "L’atlas arrive en temps opportun alors qu’il devient de plus en plus pressant de se doter de nouveaux outils analytiques afin de mieux comprendre les phénomènes migratoires en Afrique. Face au changement climatique et à la croissance de la population, l’atlas offre un aperçu de ce que signifie la migration rurale tout en aidant à élaborer des mesures plus cohérentes et de manière plus coordonnée afin de pallier aux problèmes liés à la migration", ajoute Kostas Stamoulis. "Cet atlas contribue de manière innovante au débat politique non seulement entre les gouvernements et la communauté internationale mais aussi entre les protagonistes locaux", précise Jean-Luc Khalfaoui, directeur général de la recherche et la stratégie au CIRAD.
L’atlas est le résultat d’un partenariat entre le Centre français de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD) et l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) avec le soutien technique du Centre pour l’innovation dans la gouvernance (GovInn), basé en Afrique du Sud.
L’atlas indique que la vaste majorité des Africains (75 %) migrent au sein même de l’Afrique tandis que la plupart des Nord-Africains (près de 90 %) migrent vers l’Europe. Par conséquent, l’Afrique subsaharienne "se déplace" mais principalement à l’intérieur des limites du continent. L’Afrique de l’Ouest et de l’Est sont les régions les plus dynamiques avec près de 5,7 et 3,6 millions de migrants intra-régionaux en 2015. Les faits démontrent également que dans la plupart des pays d’Afrique subsaharienne, le phénomène de migration interne est le modèle de migration dominant. Par exemple, la moitié des migrants originaires du Kenya et du Sénégal se déplacent à l’intérieur des frontières nationales, ainsi qu’au Nigéria et en Ouganda où la migration à l’intérieur même du pays, s’élève à 80 %. Cela confirme les estimations mondiales soutenant que le nombre de personnes se déplaçant à l’intérieur même de leur pays est six fois plus important que le nombre d’émigrés.
La population d’Afrique subsaharienne a augmenté de 645 millions de personnes entre 1975 et 2015 et est appelée à augmenter de 1,4 milliard d’ici les quarante prochaines années (d’ici 2055) ; il s’agit d’une caractéristique démographique unique dans l’histoire mondiale. D’ici la moitié du siècle, la population rurale subsaharienne devrait augmenter de 63 %. L’Afrique subsaharienne est la seule région au monde où la population rurale continuera de croître après 2050. Pour l’Afrique, principalement rurale, cette croissance de la population signifie une forte augmentation de la main d’œuvre (environ 220 millions de jeunes ruraux seront en âge de travailler d’ici les 15 prochaines années), des zones rurales plus denses et une énorme pression sur le secteur agricole, soulignant ainsi la nécessité de créer davantage d’emplois et de diversifier l’économie.
Les migrants ruraux sont généralement jeunes et la majorité d’entre eux viennent de familles agricoles. Près de 60 % des migrants ruraux ont entre 15 et 34 ans. La plupart d’entre eux sont des hommes même si dans certains pays comme le Mozambique, la République démocratique du Congo ou encore le Burkina, les femmes représentent la majorité des migrants. Les personnes issues d’un milieu rural ont généralement un niveau d’éducation plus faible que celui de leurs homologues urbains et les migrants ruraux n’échappent pas à la règle. Les migrants tendent cependant à passer plus de temps à l’école que ceux qui ne migrent pas.
Contrairement à d’autres régions du monde, l’Afrique subsaharienne est devenue plus urbaine sans devenir plus industrialisée. Les villes sont caractérisées par un secteur urbain informel et précaire, avec souvent une pauvreté persistante et des opportunités d’emploi formels particulièrement limitées. Plus qu’ailleurs, les Africains se déplacent non seulement vers les villes mais aussi hors des villes et entre les zones rurales.
L’Afrique subsaharienne est particulièrement vulnérable au changement climatique en raison de sa grande dépendance à l’agriculture pluviale, qui représente 96 % des terres agricoles et de capacités économiques et institutionnelles limitées qui ne lui permettent pas encore de s’adapter aux impacts climatiques. Les études indiquent que les régions tropicales connaitront des pertes de blé et de maïs suite aux changements, même légers, de températures. Les pertes agricoles liées aux principales céréales devraient tourner autour des 20 % d’ici 2050 si aucune mesure n’est prise pour atténuer les effets du changement climatique. L’atlas reflète le lien complexe qui existe entre le changement climatique et la migration rurale. Bien que les défis environnementaux puissent influencer les migrations, la décision de migrer ou non trouve également son origine dans des facteurs sociaux, économiques et politiques.
La complexité des facteurs interconnectés conduisant au phénomène de migration rend très difficile la prévision exacte des futures dynamiques migratoires. L’atlas s’appuie sur des variables déterminantes telles que la taille de la population rurale, le lieu, la régularité des évènements météorologiques extrêmes, les niveaux de pauvreté et de faim, les opportunités d’emplois et la qualité de la gouvernance afin d’anticiper les futurs scénarios migratoires. L’atlas souligne que gérer l’avenir des migrations impliquera de mettre en place des canaux de migration sûrs, ordonnés et réguliers, de développer de grandes villes durables, d’investir dans des villes intermédiaires et de développer des habitats ruraux plus petits capables de fournir des services de qualité.
L’ouvrage met également l’accent sur le fait que la décision ou non de migrer pour une personne issue d’un milieu rural ne devrait être pas être guidée par la volonté de survivre ou par la recherche d’une vie décente mais plutôt par la volonté de vivre de nouvelles expériences. Pour ce faire, il est nécessaire d’investir dans l’agriculture et le développement rural tout en adoptant une perspective territoriale, et en encourageant les liens entre zones rurales et urbaines, ce qui contribuera à transformer les zones rurales africaines en "lieu sûrs" capables d’offrir à ces populations une vie meilleure.