Les petits animaux, et les amphibiens en particulier, occupent des
biotopes spécifiques, fragiles et qui peuvent être divisés par des
routes. Ce morcellement de leur lieu de vie met souvent en péril les
espèces. Au printemps, à la saison des amours, ils migrent vers leurs frayères ; en automne, ils retournent "à la terre" pour se préparer pour l'hiver. Le parcours est parfois long, toujours immensément périlleux.
CPIE Vallées de la Sarthe et du Loir & groupe ACO image d'ouverture – Guide Nature
H2o – octobre 2012
Le marais, situé sur les communes de Cré-sur-Loir et de La Flèche, constitue un patrimoine historique, paysager et naturel exceptionnel. Il est classé en Réserve naturelle régionale depuis le 31 mars 2008. S’étendant sur près de 65 hectares, ce site constitue la plus grande zone de marais alluvial du département de la Sarthe. Il offre un paysage caractéristique de la Vallée du Loir avec un ensemble de roselières, bois alluviaux et prairies humides parcourus par un réseau de canaux. Cette mosaïque de milieux sert de refuge et de garde-manger pour de nombreuses espèces animales : près de 150 espèces d’oiseaux dont plusieurs remarquables – Aigrette garzette et Grande Aigrette, Bruant des roseaux, Rousserolle effarvatte, Râle d’eau, Grèbe castagneux, Pie-Grièche écorcheur, Loriot d’Europe, Cisticole des joncs, etc. – et nombreux insectes qui font le bonheur des oiseaux, des chauves-souris et autres amphibiens qui peuplent le marais. Quinze espèces de poissons y ont aussi été recensées, ainsi que huit espèces d’amphibiens – Reinette arboricole, Tritons, Salamandre tachetée, Grenouilles vertes et agiles, Crapauds communs. La flore y est aussi exceptionnelle avec quelque 300 espèces végétales dont quatre sont protégées, comme la grande douve ou la stellaire des marais.
Les inondations régulières du Loir sont à l’origine de la création des terrains alluvionnaires formant le marais. Mais en l’absence d’entretien, le marais était en mauvais état de conservation et menacé de banalisation. Les élus du District du Pays Fléchois se sont alors penchés sur son devenir et ont entamé des procédures de sauvegarde. Dès 1994, le District s’est ainsi lancé dans une démarche d’acquisition foncière du marais et a mis en œuvre un vaste programme de restauration, d’entretien et de mise en valeur de ce site, riche en espèces végétales et animales.
Les premiers travaux de restauration ont débuté en 1997 avec notamment la réhabilitation des canaux et le nettoyage forestier. Limités par le manque de moyens financiers, les élus de la Communauté de Communes du Pays Fléchois (CCPF) sollicitent alors diverses collectivités. Convaincue par l’intérêt du marais pour l’épuration de l’eau, l’Agence de l’eau Loire Bretagne apporte, à partir de 2005, son soutien avec la signature d’un contrat de restauration et d’entretien. Ce contrat porte sur l’hydraulique et les niveaux d’eau, la conservation des habitats, la préservation des espèces patrimoniales, le maintien d’une activité agricole, l’amélioration de la qualité paysagère, le développement de la sensibilisation au public, etc.
La procédure de labellisation "Réserve naturelle régionale" est initiée en 2005 par des élus de la Communauté de Communes du Pays Fléchois. Afin d’obtenir ce label, les acteurs du marais ont identifié les richesses écologiques du site et ont élaboré un plan de gestion sur six ans, garantissant la mise en œuvre d’actions pour le maintien de l’intérêt écologique du site. Le 31 mars 2008, le marais de Cré-sur-Loir est labellisé Réserve Naturelle Régionale par le Conseil régional des Pays de la Loire. Depuis, la région assure un accompagnement technique et financier, à hauteur de 40 % du coût des actions menées dans le cadre du plan de gestion. Le marais a aussi été labellisé Espace Naturel Sensible en octobre 2011, avec le soutien financier du Conseil général de la Sarthe.
Particulièrement sensible à l’activité humaine, le marais doit être protégé afin de préserver cette source de biodiversité remarquable. Espace de transition entre les milieux aquatiques et terrestres, le marais accueille de nombreux amphibiens qui, chaque printemps, entament leur migration de la forêt, où ils ont passé l’hiver, vers le marais, où ils vont se reproduire. Malheureusement la route coupe cet axe de migration et de nombreux amphibiens sont écrasés par les voitures. La campagne de sauvetage des amphi¬biens, menée par le Centre permanent d’initiatives pour l’environnement (CPIE) Vallées de la Sarthe et du Loir, sur la route en bordure du marais, a permis d’établir un tableau des effectifs d’individus écrasés sur plusieurs années : 412 individus écrasés en 2010, 284 en 2011 et 88 en 2012.
En revanche, cette campagne de sauvetage, à l’aide de bénévoles du CPIE et de l’association La Salamandre, a permis de préserver la vie de nombreux amphibiens. Ramassés grâce à un dispositif de filets placés en bordure de route, les animaux sont amenés à tomber dans des récipients enterrés pour être ensuite transportés, sans dommage, de l’autre coté de la route. 7 117 amphibiens ont été ramassés en 2010, 5 295 en 2011 et 3 812 en 2012. Mené de janvier à avril, ce dispositif est donc efficace mais demande la mobilisation de nombreux bénévoles ainsi que beaucoup de temps. En semaine, ce sont les salariés et une personne du service civique qui assurent le ramassage et les week-ends ce sont les bénévoles des associations. Malheureusement, trop peu de bénévoles participent à ce chantier.
En 2009, la CCPF sollicite alors ses partenaires financiers pour intégrer la mesure de sauvetage des amphibiens au plan de gestion. Ces derniers acceptent à condition que le projet soit rapidement pérenne. La CCPF organise donc un groupe de travail spécifique qui proposera et soumettra, le projet de passage à petite faune, aux élus communautaires, pour leur approbation.
Atout naturel, touristique et économique de la région, le marais de Cré-sur-Loir / La Flèche nécessite des investissements à moyen et long termes. Cette nécessité acquise, les élus du Conseil Communautaire du Pays Fléchois ont approuvé le projet de construction des passages à petite faune sous la route entre Cré-sur-Loir et La Flèche. Cette réalisation, financée par des subventions publiques – 40 % par le Conseil Régional des Pays de la Loire et 60 % par l’État via un contrat Natura 2000 – permettra la mise en place de passages permanents. C’est un soulagement pour les associations et bénévoles qui assuraient jusqu’alors le montage et le démontage du dispositif de sauvetage ainsi que le ramassage des amphibiens.
Le chantier pour l’installation des couloirs de migration a débuté début septembre 2012. C’est la société ACO, spécialiste mondial des systèmes de drainage de surface et du prétraitement des eaux usées et de ruissellement, qui a été choisie pour son système ACO Crapauducs. Ce système est conçu pour être installé en traversée de chaussée et peut supporter le passage de tous types de véhicules (véhicules léger, poids lourds, etc.). L’entrée, largement ouverte, guide les animaux dans le tunnel équipé de parois de guidage et d’une double garde pour empêcher les animaux de grimper et de passer par-dessus.
Ce sont 17 traversées de 8 mètres chacune, qui seront installées sur les routes du marais de Cré-sur-Loir / La Flèche, de manière à amener les batraciens à emprunter les couloirs de migration, sous la chaussée et ainsi assurer leurs passages en toute sécurité.
Le coût du projet est intégralement subventionné par l’État et la Région Pays de la Loire. C’est un investissement à long terme qui permettra de préserver et protéger la biodiversité du marais et, par conséquent, le maintien de ses atouts naturel, touristique et économique.
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UNE TRAVERSÉE EN TOUTE SÉCURITÉ La bonne réalisation d'un corridor écologique impose quelques précautions. Son entrée doit être sufisamment large pour guider les animaux vers le tunnel. Le tunnel doit être d’une longueur assez courte afin de réduire au maximum la distance que la faune aura à parcourir en souterrain. Il doit préserver les conditions ambiantes extérieures, température et degré d’hygrométrie. Le matériau utilisé ne doit pas contenir de métal afin de ne pas gêner les amphibiens dans leur orientation. Le système ACO Crapauduc est ainsi réalisé en béton polymère, résistant au gel et à la pression du sol. En général composé d’une partie enterrée et fermée et de deux parties (les entrées / sorties) ouvertes par des orifices supérieurs qui maintiennent la température et le degré d'humidité, le crapauduc est muni à l'intérieur de parois de guidage et d’une double garde pour empêcher les animaux de grimper et de passer par-dessus. |