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L'eau confidente des corps

 

Il apparaît donc bien que l'eau, indispensable à la vie, est également un facteur d'érotisme, non par accident, mais par essence, car les origines de ce rapport sont profondes et lointaines. C'est l'un des aspects positifs de l'ambivalence de l'élément liquide dont la puissance peut aussi tout dévaster, tout engloutir. L'eau est source, l'eau est déluge.

Entre les deux, se situe l'eau facteur d'équilibre. C'est cet aspect qui se développe actuellement dans nos sociétés post-industrielles où l'eau ne sert plus seulement à entretenir la propreté du corps, mais contribue à sa détente, son apaisement, voire sa guérison.

Dans l'habitat, la salle de bains est en passe de cesser d'être le lieu où l'on se lave pour devenir celui où les tensions et les douleurs du quotidien sont apaisées par des baignoires et des cabines de douche équipées de systèmes d'hydromassage, ou bien des spas profonds et conviviaux. Selon les cas, et l'espace exploitable, la salle de bains peut également bénéficier d'équipements fitness, d'une cabine hammam, d'un sauna.

À l'extérieur de l'habitat, les piscines se démocratisent, les centres de thalassothérapie et les établissements thermaux proposent des cures de remise en forme, de vitalité, où le corps est choyé, baigné, arrosé, enveloppé et massé. L'eau ainsi utilisée devient un élément d'équilibre, une voie pour retrouver l'harmonie entre le corps et l'esprit, l'unité ontologique. Cette tentation de confier son corps à l'eau, c'est un peu prendre l'eau comme confidente du corps et lui abandonner ce qui part de l'esprit pour se propager douloureusement aux organes.

Il y a, dans cet essor de l'hydrothérapie moderne, quelque chose qui vient de très loin, comme une référence à des rites dont nous avons perdu l'origine et le sens. Là où ne pensons voir que les produits de l'innovation technologique, se cache peut être un secret qui ne veut pas mourir, et que nous perpétuons sans le savoir. C'est vrai pour l'érotisme "affiché" de notre temps, qui, bien considéré, n'est jamais qu'une réinvention, ou recréation, de celui des temps anciens. C'est probablement vrai pour notre relation à l'eau.