Telle est la prémisse d'un syllogisme, imparfait mais perfectible, qui pourrait être construit à partir de l'eau, du sexe, et de la vie.
L'eau est source de vie, ontologiquement, existentiellement. Bien avant nos découvertes récentes sur les origines de la vie, Anaximandre, philosophe présocratique, nous enseignait que "...les premiers animaux naquirent de l'humidité", intuition (mais était-ce une intuition ?) confirmée, des siècles plus tard, par le père Teilhard de Chardin, de façon plus affirmative et lapidaire : "La vie est fille des eaux".
Cela pour les origines. Pour le présent, le quotidien, même schéma ; pas de vie possible sans eau. Mais la vie ne peut également se maintenir sans reproduction. Pas de sexe, pas de reproduction, et, si l'on s'en tient à l'espèce humaine, il semble bien que plaisir et reproduction sont liés, même si le plaisir n'a pas nécessairement la reproduction pour finalité. La vie se perpétue donc sur un fond de désirs et d'étreintes, jusqu'au jour où les manipulations génétiques permettront de se passer de l'étreinte. Qu'en sera-t-il alors du désir et du plaisir ?
En attendant ce "meilleur des mondes génétiques", le désir et le plaisir sont toujours "encadrés" ; la libération sexuelle des années 1960 et 1970 n'étant en fait qu'une délibération, un discours qui est loin d'être achevé, encore plus loin d'être serein.
C'est là qu'interviennent quelques parallèles entre l'eau et le sexe.
L'eau, comme l'air, est difficilement compressible. L'eau, comme le feu, est ambivalente : elle est nécessité, bienfait de la nature, mais aussi ravages, catastrophes... Comme l'eau (mais un peu moins), le désir sexuel est difficile à comprimer. Les religions pour la plupart, se sont efforcées de contenir ce désir et d'en réprimer les manifestations, en l'orientant vers un but unique : la procréation.
La montée du désir est aussi à l'origine de craintes, d'angoisses, tout comme la montée des eaux. L'expression "inondé(e) de plaisir" traduit cette hantise, désirée et redoutée à la fois, d'être submergé, englouti...
Cela est si vrai que les pratiques d'ascèse religieuse ou spirituelle recherchent toutes une maîtrise du corps par la coupure du désir. Pour la majorité des individus, les interdits (religieux ou moraux), les lois ont pour objet d'imposer des normes, de canaliser les pulsions. Pour quelques individus, la quête spirituelle, plus exigeante, implique l'abstinence sexuelle, c'est-à-dire une forme de sublimation, destinée à "dériver" l'énergie sexuelle vers l'énergie spirituelle.
Ce n'est pas sans analogie avec notre domestication de l'eau, matérialisée par les canaux, les barrages, les canalisations et les réservoirs, structures destinées à discipliner l'élément pour en tirer une énergie, une matière première, un confort...
L'homme n'est pas devenu puissant seulement par la maîtrise du feu ; sa puissance ne serait rien sans la domestication de l'eau. Les sociétés ont agi de même avec le désir, très certainement pour assurer leur survie et consolider leurs pouvoirs. L'excès d'eau est une calamité, l'excès de désir sexuel est une déviance dangereuse.
Ce parallèle, s'il n'établit pas pour autant une relation évidente entre l'eau et l'érotisme, laisse cependant supposer que l'une et l'autre ne sont pas des étrangers.