Ce qui va singulariser le thème du bain prétexte au XIXème siècle, c'est, pour la majorité des oeuvres, l'admirable rendu du modelé des chairs, des formes, l'accroche de la lumière par la montée des couleurs sur ces corps féminins qui ne sont que les anatomies charnues des modèles choisis par les peintres, mais qui sont devenus autant de corps de divinités. Ils semble que tous ces artistes aient pris pour référence ce précepte d'Ingres : "L'art n'est jamais à un aussi haut degré de perfection que lorsqu'il ressemble si fort à la nature qu'on peut le prendre pour la nature elle-même...". On en vient à se demander si cette profession de foi ne manifeste pas une tentative d'introduire une distance définitive avec la photographie, intuitivement d'abord, avant et pendant son apparition, par défi ensuite, après que celle-ci se soit d'emblée emparé du nu, dans un but tout autant érotique qu'artistique. Plan improbable, mais la puissance émotive contenue dans ces tableaux distancera effectivement la photographie, et de loin, malgré la certitude de réalisme qu'elle comporte.
Libérés de la tutelle religieuse par la Révolution, les peintres doivent néanmoins composer avec une morale laïque qui va devenir, au fur et à mesure que le pays s'industrialise, la morale dite bourgeoise, celle de la classe devenue dominante. Nous verrons comment s'effectue cette composition, mais elle commence par l'élargissement des thèmes utilisés ; aux thèmes classiques (mythologie et toilette), vont s'ajouter trois autres : l'Antique (né des fouilles de Pompéi), l'Orientalisme, et les bains de mer.
Thème par thème, se précise le rapport entre l'eau et le nu, l'érotisme de ce dernier n'étant pas affiché (excepté chez Ingres et Courbet), mais subjectivement dosé par le regard des "contemplateurs", qui y trouveront ce qu'ils cherchent, ou ne cherchent pas.
Beaucoup parmi ces toiles ont fait scandale, soit pour leur "impudeur", soit pour leur réalisme, soit encore pour leur facture artistique. Aucune n'a laissé indifférent. Par l'intérêt qu'elles ont provoqué, elles contribuent à prouver le lien qui relie l'eau, le nu et l'érotisme, même bien pensant, de leur siècle.