199902_symbolique_2.jpg

 

L’eau, à l'origine de la vie

 

Élément premier, magma indistinct recouvrant la terre à la genèse des temps, les Eaux originelles préfigurent l'infini des possibles, où tout existe déjà de manière virtuelle, informelle, conceptuelle. Elles portent en elles, matrice féconde, le germe créateur, le levain du destin, toutes les promesses d'un monde potentiel en devenir, les prémices d'un développement, la naissance et la fin de toutes choses, l'ordre et le chaos, la vie et la mort en perspective. L'eau contient ainsi en elle toute la mémoire du monde, cire fluide et malléable, réservoir inépuisable de milliards d'empreintes, patrimoine génétique qui recèle les secrets de l'humanité [L'eau, mémoire du monde : cette théorie est reprise depuis peu par des scientifiques mais est sujette à de violentes controverses]. Origine de vie, elle est matéria prima, la Prakriti hindoue pour qui, à l'aube des temps, "Tout était eau". "Les vastes eaux n'avaient pas de rives" confirme le Tao. Elle est wou-ki, sans faîte, pour les Bouddhistes chinois. Elle est prâna, sève et souffle de vie, chez les trantriques. Elle est mère et matrice pour les Hébreux. Elle est l'essence divine qui remplit la création et de ses vagues naissent toutes les créatures dans le Coran. Elle est chaos primordial, source originelle dans toutes les traditions connues, pour presque tous les peuples de la terre. C'est sous la forme d'un grand lotus, berceau du soleil au premier matin, que la création est sortie des eaux primordiales pour les Égyptiens. C'est sur ces mêmes eaux que repose le lotus où naissent les Dieux hindous Brahma, Varuna ou Vishnu. Un peu de terre, embryon de vie, est ramené des profondeurs à la surface des eaux par un sanglier plongeur. Brahmânda, l'œuf du monde est couvé à la surface des eaux comme l'esprit de Dieu dans la Genèse ou dans la cosmologie babylonienne. Ce souffle se transforme en vapeur d'eau pour créer le monde chez les Dogons du Mali. L'eau féconde la terre pour donner les Héros, des Jumeaux de couleur verte, moitié humains, moitié serpents. Comme chez les Bambara, elle est lumière et parole, le verbe générateur dont le principal avatar mythique est la spirale de cuivre rouge. L'eau est d'abord sèche, puis se forme l'œuf cosmique qui engendre le principe d'humidité. La parole humide, en se manifestant, crée le monde, alors que l'eau et la parole sèches n'expriment que la pensée, une potentialité humaine et divine qui ne peut créer. Amma, le Dieu suprême ouranien crée son double Nommo, Dieu d'eau humide, guide et principe de la vie manifestée. Mais, dans les cieux supérieurs, en dehors de l'univers, il garde, pour lui, la moitié des eaux premières, qui demeurent sèches et symbolisent l'inconscient, l'occulte, le non-révélé. Dans la tradition germanique, la vie naît du ruissellement des eaux printanières sur la surface des glaces éternelles. Vivifiées par le vent du sud, elles se rassemblent pour former un corps vivant, celui du géant Ymir, d'où descendent tous les autres géants, les hommes et même les Dieux. Dans la cosmogonie babylonienne, les eaux primordiales s'étendaient de toute éternité, avant même la création du ciel et de la terre. De leur masse se sont dégagés deux principes élémentaires Apsou, divinité masculine représentant la masse d'eau douce sur laquelle flotte la terre et Tiamat, la mer salée d'où sortent toutes les créatures.