De 1840 à 1850, un puissant mouvement d'idée renouvelle le discours des élites administratives et techniques sur l'aménagement des eaux. Il contribuera à accélérer le fractionnement des usages utiles des eaux courantes et leur mercantilisation.
On assiste tout d'abord à l'élargissement du champ d'étude de l'hydraulique grâce à une nouvelle approche scientifique ; l'eau n'est plus étudiée seulement comme un fluide, mais aussi sous sa forme moléculaire et gazeuse : l'hydraulique va se scinder en trois domaines cloisonnés, cela aura par la suite des conséquences institutionnelles:
On assiste à la mise en place graduelle d'une logique professionnelle qui définit les limites de chaque domaine, son produit, son image, sa fonction.
Les Polytechniciens prennent une part déterminante dans ce processus, car les domaines de compétences se technicisent. L'extraordinaire polyvalence scientifique et technique des ingénieurs des Ponts et Chaussées apparaît à cette occasion : parallèlement aux applications concrètes de l'hydrodynamique qui ont fait leur renommée, ils effectuent une série d'expérimentations qui leur permet d'investir l'agronomie et l'hygiène publique.
Pendant cette période, les usages des eaux courantes s'intensifient et se concurrencent provoquant des conflits d'intérêts générateurs de tensions entre les différents groupes d'usagers. En effet, la généralisation des barrages mobiles, des nouveaux moteurs hydrauliques, de l'irrigation, du captage d'eau potable pour les centres urbains, toutes ces nouvelles techniques demandent un apport d'eau de plus en plus important. Une tendance à l'autonomisation des différents usages des eaux apparaît également ; elle entraîne des rivalités d'expertise et de contrôle institutionnel.
Toutes ces rivalités déboucheront sur le cloisonnement administratif durable entre un service prestigieux doté de beaucoup de moyens qui se consacrera aux rivières navigables et flottables (celui de la navigation) et un plus modeste : celui de l'Hydraulique Agricole, chargé de gérer l'immense réseau des rivières non navigables et des ruisseaux.
Au début du Second Empire, trois éléments vont avoir une importance considérable sur l'aménagement des eaux courantes :