Bibiana PINTO
H2o – janvier 2004
La période qui a suivi la seconde guerre mondiale a mis en évidence la nécessité absolue, dans un état de droit, de veiller au respect des libertés et droits fondamentaux de la personne humaine. Le début des années 1970 a quant à lui, et dans ce prolongement, assisté à l’éveil de la conscience écologique internationale. L’évolution de la société et de ses paradigmes a fait se croiser, puis s’entremêler, ces deux tangentes, pour les mettre au service l’une de l’autre et voir ainsi certains droits reconnus à l’individu, tel que le droit à l’information, ou celui, plus récent, à la participation du citoyen dans les affaires locales, appelés à servir la cause de l’environnement. L’eau, son droit, son régime de distribution et d’utilisation, témoignent de cette évolution (bien qu’elle demeure plutôt sur le plan formel, avec certaines conquêtes législatives).
Depuis la fin du 20ème siècle, émerge une tendance à reconnaître à l’individu un accès plus grand à l’information et une participation plus importante pour tout ce qui concerne la prise de décisions touchant à des intérêts collectifs, tels que l’exécution d’un service public et la protection de l’environnement. En France, en quoi consiste la transposition de ces principes à la situation des usagers du service public de distribution d’eau potable, service si intimement lié à la santé humaine et à l’environnement ? Si le droit français impose de nouvelles obligations d’information à l’égard des usagers d’un tel service, quelles sont ses obligations et qui s’oblige à les transmettre ? En quoi consiste la participation des usagers dans un tel service ? Quelle peut en être sa portée ?
Avant d’aborder le cœur de notre étude, un préalable s’impose : définir le concept "d’usager", destinataire de ce service, qui sera le bénéficiaire d’informations et le protagoniste des nouvelles formes de participation concernant directement ou indirectement ce service. En France, il n’existe pas de définition légale d’usager. C’est la doctrine et la jurisprudence qui ont précisé cette notion.
Nous verrons combien complexe est ce concept, au-delà de son acception la plus courante, car ce terme recouvre plusieurs réalités, au contraire de son emploi souvent univoque. Stricto sensu, l’usager est le bénéficiaire des prestations d’un service public déterminé, ou le client, terme de plus en plus appliqué pour les services publics industriels et commerciaux. Pour ce dernier type de services, tels que celui de la distribution d’eau, la condition d’usager est indépendante de l’abonnement : l’usager est celui qui fait usage de l’eau, abonné ou non. ["La jurisprudence a admis que le candidat usager pouvait être assimilé à un usager effectif : exemple d’une personne désireuse d’expédier un colis dans une gare mais qui ne l’avait pas encore fait, à qui il arrive un accident : cette personne fût assimilée à un usager du service. (T.C. 17 octobre 1966, Veuve Canasse)", MORAND-DEVILLER (J.), Cours de Droit Administratif, Montchrestien - "La qualité d’usager d’un service public industriel et commercial de distribution d’eau n’est pas subordonnée à l’existence d’un contrat mais doit être reconnue à celui qui bénéficie des prestations en cause (Cass. 1re civ., 6 mars 2001, n° 98-22.629, n° 417, Cne de Sermaise c/Mme Baudu, D. 2001, n° 13, p. 1074, Journ’eau n° 329, 2 juill. 2001, p. 4, Bull. civ. I, n° 62, p. 40)." In Guide LAMY Environnement, L’EAU : eaux douces et eaux marines, gestion et police de l’eau, redevance et fiscalité, assurance et responsabilités, J. SIRONNEAU, J-M. MASSIN, P. BOIYARD. op. cit. ResSources]
Mais les usagers ne sont pas seulement des individus : une personne morale peut être aussi usager. Ainsi, une autre distinction fondamentale entre les usagers, qui conditionne surtout leur mode de participation au service, mais qui sera importante aussi pour l’application du droit de la consommation, concerne la finalité de la consommation en eau. On distingue essentiellement trois usages possibles : l’usage domestique, l’usage industriel, et l’usage agricole. L’usage domestique concerne des usagers particuliers qui usent de l’eau pour satisfaire leurs besoins personnels. Les deux autres sont des usagers professionnels : l’eau utilisée dans une étape de production par les industriels, et l’eau utilisée pour l’arrosage de cultures par les agriculteurs. C’est dans la catégorie des usagers particuliers qu’il peut y avoir des usagers indirects qui bénéficient du service sans être effectivement abonnés. Les usagers professionnels doivent nécessairement être abonnés pour être desservis en eau.
On ne peut cependant pas parler d’information et de participation des usagers sans prendre en considération l’action associative. L’usager veut un service de qualité, avec des prestations équilibrées. Pour revendiquer le droit au bon fonctionnement du service, l’action des associations d’usagers ou de consommateurs peut être plus efficace qu’une action individuelle de l’usager. Ainsi, les usagers de la distribution d’eau potable peuvent voir leurs intérêts défendus par des associations, qui sont souvent des associations de défense des consommateurs. D’autres associations, comme celles de protection de l’environnement peuvent aussi agir en intérêt des usagers. Ces derniers exigent un service de qualité, et un service de qualité est un service qui respecte nécessairement l’environnement. La veille environnementale est un devoir de “l’usager-citoyen”.
L’usager est une facette de tout citoyen, puisque tous dépendent de l’eau pour vivre. On ne peut cependant pas affirmer que les deux notions recouvrent les mêmes réalités, puisqu’il y a des usagers qui ne sont pas citoyens (les personnes morales). En principe, il n’y a pas de citoyen qui ne soit pas usager de la distribution d’eau potable.
{mospagebreak title=2. Le droit d'information de l'usager&heading=1. La définition de l'usager}
L’eau est indispensable à la vie. L’accès à l’eau fait partie de la dignité humaine . D’ailleurs, de plus en plus, la doctrine affirme l’existence d’un droit d’accès à l’eau . Si la loi française ne reconnaît pas encore explicitement ce droit, il peut en être déduit de plusieurs dispositifs. Tout être humain, tout individu, est donc à la fois citoyen, à la fois usager du service public de distribution de l’eau. [Dans ce sens, Sylvie PAQUEROT, L’urgence, reconnaître le droit d’accès à l’eau, in L’eau, Res publica ou marchandise ?, sous la direction de Riccardo PETRELLA – Reconnaissent l’existence implicite d’un droit d’accès à l’eau : Henri SMETS, L’eau du robinet, in Actes Séminaires de Droit Comparé sur l’eau, 2000/2001 ; Yves JEGOUZO et François VALIRON – Selon SMETS, "La loi sur les rapports locatifs dispose que le droit au logement implique l’eau puisqu’un logement sans eau est un logement insalubre". "De façon plus explicite, la loi de 1992 sur la lutte contre les exclusions instaure un droit à une aide pour l’accès à l’eau et à l’énergie. La loi offre non pas la possibilité d’être aidé mais le droit à une aide pour l’eau." Le juriste considère encore que cette notion est insérée dans le préambule de la Constitution : "la Nation garantit à tous la protection de la santé, la sécurité matérielle". "Or, l’eau est un bien indispensable (on ne peut pas éviter d’en consommer) pour la sécurité matérielle et la santé", op.cit. ResSources]
Ces explications ont pour but de reconnaître au moins à l’usager particulier des droits à l’information originellement consacrés pour le citoyen. L’usager du service de l’eau peut, en effet, se prévaloir des procédures d’information qui ne lui sont pas réservées en tant qu’usager, mais qui sont ouvertes à tout citoyen. L’accès aux documents administratifs ou l’étude d’impact en sont des exemples. Quand l’usager / citoyen adhère à une de ses procédures, il agira en tant qu’usager, motivé par sa condition personnelle de destinataire du service. C’est bien un citoyen qui s’informe sur le service de distribution d’eau, la qualité du "produit" desservi ou l’exécution d’un ouvrage lié à ce service. Mais il cherche à s’informer surtout, par principe, parce que c’est à lui que l’eau est desservie.
Pour les possibilités d’information originellement ouvertes à tous les citoyens (comme l’accès aux documents administratifs), les usagers y ont accès à travers une démarche active. Cette possibilité est prévue par la loi, mais c’est à l’usager de chercher à s’informer. A l’inverse, pour certains droits d’information prévue spécifiquement par la loi pour les abonnés du service de distribution d’eau, comme le contenu de la facture, ou la note annuelle informative sur la qualité de l’eau (jointe à la facture), c’est à l’administration ou à la personne privée délégataire du service qu’il revient d’informer de droit les usagers.
La problématique de l’information, s’agissant d’un service public de distribution d’eau, elle porte sur divers aspects (prix, qualité de l’eau, exécution du service, incidence des projets sur l’environnement, etc.) ayant ainsi comme source le droit administratif, le droit de l’environnement, et même, le droit de la consommation. Il y a des obligations d’information prévues par la loi, et d’autres (plus rares) qui ne sont prévues que par les contrats passés par les distributeurs. Ces derniers peuvent également développer des pratiques spontanées d’information de l’usager, surtout pour ceux qui sont abonnés.
L’information des usagers abonnés est plus efficace que celle des usagers non-abonnés. Tous, bien évidemment, ont accès aux informations affichées en mairie et aux documents administratifs au sens de la loi de 1878. Ce sont des droits accordés à tout citoyen. Toutefois, les distributeurs d’eau, n’ont pas d’obligations actives et directes d’information vis-à-vis des usagers non-abonnés. Ils y procèdent néanmoins, indirectement, puisque la loi et les cahiers des charges leur imposent des devoirs d’information envers l’administration (compte rendu technique et financier annuel, par exemple), qui fait le "pont" pour informer les citoyens. De plus, la loi prescrit que les personnes publiques ou privées chargées d’une mission de service public sont tenues de communiquer les documents administratifs qu’elles détiennent à toute personne qui en fait la demande. En revanche, les distributeurs ont des obligations positives et directes d’information des abonnés, comme le contenu et la clarté des factures envoyées.
La note annuelle sur la qualité de l’eau jointe à la facture ne va probablement pas non plus arriver sous les yeux de l’usager non-abonné.
Cette inégalité d’information entre les usagers abonnés et non-abonnés ne pose pour autant pas de problèmes pour un même foyer. Elle peut en poser davantage dans le cas d’immeubles collectifs d’habitation, où il n’y a qu’un seul abonné, le syndic ou le propriétaire de l’immeuble, pour plusieurs ménages d’usagers non-abonnés. Cette problématique sera pourtant en grande partie résolue avec la reconnaissance du droit de tout propriétaire d’immeubles collectifs d’habitation à l’individualisation des contrats de distribution d’eau. Cette modification qui va peut-être avoir une conséquence négative pour l’ensemble des usagers, à savoir, l’augmentation du prix de l’eau, puisqu’il y aura une augmentation des coûts du service, va, au moins, avoir une conséquence positive : l’augmentation des possibilités d’information pour les habitants des immeubles collectifs.
La distinction entre les usagers particuliers, qui font usage de l’eau pour satisfaire leurs besoins personnels, et les usagers professionnels, industriels et agriculteurs implique également une différence de traitement quant au devoir d’information et de conseil imposé par le droit de la consommation. Le juge français refuse d’appliquer le droit de la consommation pour les usagers industriels, en raison de la finalité de l’usage d’eau consommée (finalité professionnelle) et de l’absence de fragilité (caractère soupçonné pour les consommateurs en général) devant le distributeur. Les industriels, "usagers personnes morales", ne peuvent pas non plus bénéficier directement des outils d’information prévus pour les citoyens, comme les études d’impact ou l’accès aux documents administratifs. Or, s’ils ne peuvent pas y accéder directement en tant que personnes morales, ils le peuvent à travers leurs "représentants", les dirigeants.
{mospagebreak title=3. La participation de l'usager}
L’information des usagers est intimement liée à la participation de ces derniers. [Les notions d’"information" et de "participation" sont tellement associées l’une à l’autre, que l’ancien article L.110-1, II, 4° du Code de l’environnement (avant les modifications de la loi 2002-276 du 27 février 2002) confondait les deux notions, en prévoyant comme un des principes généraux du droit de l’environnement, celui de la participation, "selon lequel chacun doit avoir accès aux informations relatives à l’environnement".] La notion de participation revêt plusieurs nuances. Lato sensu, la participation est "l’action de prendre part à quelque chose ; son résultat" [Le dictionnaire de notre temps, Hachette] Juridiquement, elle signifie le droit des habitants de la commune à "être consultés sur les décisions qui les concernent" (article L.2141-1 du CGCT). Ce principe juridique de participation est aussi préconisé par le droit de l’environnement. Ainsi, la loi dite Barnier affirme : "Il est du devoir de chacun de veiller à la protection de l’environnement" [Article 1, II de la loi n° 95-101 du 2 février 1995, dite Loi Barnier, JO du 3 février, p. 1840 et rectificatifs au JO du 20 et 21 février 1995.]. La loi sur la démocratie de proximité [Loi nº 2002-276 du 27 février 2002, art. 132, JO du 28 février 2002.] précise l’application du principe en reconnaissant le droit pour le public d’être associé au processus d’élaboration des projets ayant une incidence grave sur l’environnement ou sur l’aménagement du territoire. Les usagers / citoyens du service public de distribution d’eau sont donc concernés par ce principe de participation, puisqu’ils sont destinataires d’un service public, auquel s’appliquent les dispositions du CGCT, et parce que ce service est intimement lié à l’environnement et à la gestion de ses ressources.
La législation française prévoit une série de procédures de consultation du public lorsqu’une opération a une incidence sur l’environnement, tels que le référendum local, l’enquête publique et le débat public. Or, le service de distribution d’eau touche directement à l’environnement. Ainsi, à l’occasion de la construction de certains ouvrages, les usagers ont la possibilité de donner leur avis à travers une de ces procédures. De plus, la législation a créé certains organismes publics qui agissent dans le domaine de l’eau et qui comptent dans leur composition des représentants des usagers. Il s’agit, par exemple, des comités de basin, des agences de l’eau, du Comité national de l’eau, des comités locales de l’eau, des commissions consultatives des services publics locaux et de l’observatoire de l’eau.
Des procédures de consultation sont obligatoires pour certains projets des distributeurs d’eau potable, mais ne génèrent pas encore une effective participation des usagers dans l’exécution du service. En vérité, les prestataires du service de distribution d’eau n’ont pas encore d’obligations directes de consultation de l’ensemble usagers (mise à part la consultation de chaque abonné prévu par les règlements d’abonnements limitée à certains aspects de leur contrat individuel). Il existe des vrais contraintes d’information, comme la présentation de la facture, l’élaboration du compte rendu technique et financier, qui servira, en fin de compte, de support d’information pour les usagers, mais il n’y a pas encore d’obligation de faire participer activement les usagers. Pour l’instant, les distributeurs sont seulement tenus de "supporter" passivement la participation des usagers au sein de certains organismes publics, qui prendront des décisions (agences de l’eau) ou donneront leur avis (commission consultative des services publics locaux) concernant le service.
Pourtant on ne peut pas ignorer une autre forme de participation des usagers (et ici nous appliquons le terme "participation" dans son acception la plus large), celle à l’occasion des conflits avec la prestataire du service. En effet, une démarche active de la part des usagers pour la résolution des problèmes liés au service est une forme de participation. Le constat des problèmes est la première étape, préalable à leur résolution. Dans certains cas, cette résolution pourra intervenir à l’amiable, au moyen de la médiation. Dans d’autres cas, la participation s’exprimera de façon contentieuse.
La participation ne génère que peu d’inégalités entre usagers abonnés et usagers non-abonnés. Elle dépend davantage du caractère citoyen ou d’électeur de l’usager que de sa qualité d’abonné. L’autre raison est que la participation des représentants des usagers au sein de certains organismes, comme les agences de l’eau, ou les commissions consultatives des services publics locaux n’exigent pas pour le représentant la condition d’abonné. Cette participation est, en outre, en grand partie, réservée à des représentants (pas forcement abonnés au service) d’associations. Ainsi la participation au service ne dépend que peu de la qualité d’abonné au service. Parmi les moyens de participation qui sont particulièrement réservés aux usagers du service de l’eau, la qualité d’abonné au service n’est pas exigée. Quant à la participation par la voie contentieuse, elle n’exige pas des usagers qu’ils soient abonnés : il suffit qu’ils soient usagers du service public industriel et commercial.
Les usagers particuliers et les usagers industriels auront aussi des participations différentes, notamment, en ce qui concerne la participation pour la résolution des conflits. Si les problèmes avec les particuliers peuvent en grande partie être résolus à l’amiable, fréquemment par l’intermédiaire des associations, les conflits avec les industriels finissent le plus souvent en recours contentieux. Avec les industriels, en général, il ne s’agit pas de petits conflits. Mais cela ne veut pas dire que les usagers particuliers ne puissent pas par le contentieux avoir une participation déterminante, pouvant même invoquer la nullité des clauses réglementaires du règlement de l’abonnement des services [Dans ce sens, le jugement : T.A. d’Orléans, 1ere Chambre, décision n° 99-1674 du 20 décembre 2002.] Les abonnés industriels, personnes morales, ne pourront pas bien évidemment participer directement aux procédures de consultation prévues pour les citoyens et électeurs. Mais ils pourront voir leurs intérêts représentés par la participation (à titre personnel) de leurs dirigeants.
Enfin, force est de constater que, par rapport au SPIC de distribution d’eau, les usagers se trouvant dans des situations "différentes" les uns par rapport aux autres (abonnés/non-abonnés, particuliers/professionnels), seront informés différemment et influeront dans l’amélioration du service dans la limite de leurs conditions et possibilités.
Nous avons pu constater qu’à partir des années 1970 [Loi du 17 juillet 1978, qui crée la CADA, Loi 11 juillet 1979, qui impose la motivation des actes administratifs, Décret du 12 octobre 1977 relatif aux études d'impact.], en France, la loi est venue renforcer la transparence administrative, ainsi que l’information du public par rapport à tout projet ayant une incidence sur l’environnement. La majorité des possibilités de participation des citoyens ont été crées par la loi un peu plus tard, à partir des années 1990 (à l’exception de la procédure d’enquête publique et de la participation des usagers dans la gestion de l’eau au niveau des bassins hydrographiques) [Référendum local, débat public, commissions locales de l’eau, commissions consultatives de services publics locaux, observatoire de l’eau.] Or, l’information précède, normalement, la participation, et le législateur lui-même a apparemment suivi cette logique : il a d’abord consacré la transparence, pour instituer plus tard des outils de participation des usagers. Bien évidemment, comme nous l’avons déjà affirmé, il est difficile de séparer radicalement information et participation. Aussi, l’information des usagers a continué de s’améliorer avec l’apparition de leur participation au service.
{mospagebreak title=4. Une information et une participation renforcées}
Les réformes de ce début du 21ème siècle marquent l’accentuation de l’information et de la participation du public, au moins sur le plan législatif. La très récente réforme constitutionnelle qui institue la possibilité du référendum local décisionnel (nouvel article 72-1, alinéa 2, de la Constitution) est, en ce sens, très significative. Les autorités locales se voient accorder la possibilité de "transférer" la prise de décision (dans les limites de leurs compétences) aux citoyens, à travers la procédure référendaire. La loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité est aussi un signe de cette accentuation : elle renouvelle l’obligation de mise en place des commissions consultatives de services publics locaux, renforce le débat public pour les grands projets d’aménagement, et rend obligatoire la création de conseils de quartier (organismes consultatifs) dans les communes de 80 000 habitants et plus. Au niveau communautaire, en l’an 2000, on a pu constater l’affirmation des principes d’information et de participation des usagers pour la gestion de l’eau au niveau des districts hydrographiques (gestion de l’eau en état naturel) par la directive cadre de l’eau.
Les perspectives des prochaines réformes législatives vont renforcer encore plus l’information et la participation des usagers dans la gestion de l’eau. L’approbation de la Charte Environnementale va revêtir d’un statut constitutionnel les principes d’information et de participation en matière environnementale. Le projet de loi pour la transposition de la directive cadre sur l’eau réaffirme ces principes pour l’élaboration des SDAGE. Il y a encore une perspective législative : "la petite loi" portant réforme de la politique de l’eau, texte n° 172 (2001-2002) transmis au sénat le 15 janvier 2002 – www.senat.fr/dossierleg, renforçait également l’information et la participation du public, en prévoyant par exemple la création d’un Haut Conseil de l’Eau, qui contrôlerait l’évolution du prix de l’eau et serait chargé de l’information des usagers et des associations. Ce projet de loi sera soumis certainement à beaucoup de modifications, mais la tendance sera de renforcer l’information et la participation des usagers, par exemple, par l’attribution des nouvelles compétences à l’observatoire de l’eau.
Au vu du cycle de l’eau, nous constatons que les prévisions légales d’information des usagers sont relativement déjà bien organisées, tant pour ce qui concerne l’eau brute, à l’état naturel, qu’à ce qui touche l’eau potable. En revanche, la participation des usagers reste surtout prévue pour la gestion de la ressource en amont, au niveau du bassin hydrographique. Il reste à consolider la participation des usagers dans la gestion de l’eau distribuée. Cette participation commencera bien probablement avec l’institution et l’action effective des Commissions consultatives des services publics locaux. Il faudra sans doute une nouvelle réforme pour garantir une composition majoritaire d’usagers dans ces commissions. Pour l’instant, à notre avis, la plus efficace des participations (dans son acception la plus large) des usagers, par laquelle ils peuvent exercer un contrôle sur la qualité du service et peuvent en déterminer l’amélioration, reste la participation par la voie contentieuse.
Nous croyons que sur le plan juridique la tendance reste au renforcement de la participation des usagers dans la prise des décisions administratives individuelles ou délibératives concernant la distribution de l’eau potable. La récente reconnaissance constitutionnelle de la possibilité d’instauration de référendums locaux décisionnels en est un exemple. Toutefois la participation des usagers concernant les services publics et industriels devra s’exercer à travers la consultation plutôt que par l’effective prise des décisions. L’autorité locale ne sera probablement pas obligée de laisser aux citoyens la prise de décisions aussi importantes que la délégation d’un service public ou le prix de l’eau. Etant responsable du service public, elle ne pourrait pas être "privée" du pouvoir de prendre les principales décisions concernant ce service. Elle doit pourtant avoir la liberté et le devoir, dans certains cas, de consulter la population. La consultation populaire est la meilleure façon de légitimer les décisions politiques. On peut se demander si la prise de décisions directement par la société civile ne serait une meilleure solution. Dans ce cas, quel rôle serait réservé aux élus. Comment intégrer élus et citoyens dans la prise de décisions concernant la distribution d’eau potable ? Là, encore une fois, l’information du public (une information claire, exposant toutes les nuances de la problématique) serait un préalable essentiel pour permettre une participation plus consciente des citoyens.
Enfin, les principes d’information et de participation sont affirmés par la législation française. Il y a quelques obligations d’information aux usagers du service de distribution d’eau. Il existe également quelques possibilités de participation, mais elles sont encore très timides. Le juge français doit rester attentif au respect de ces principes et obligations. Le service public industriel et commercial de distribution d’eau ne peut pas rester indifférent à toute cette évolution vers une plus grande transparence de l’administration et vers la consolidation de la démocratie participative. Les usagers particuliers, en tant que citoyens, en tant qu’administrés, étant en relation avec un service public, service qui, de plus, a des incidences sur l’environnement, seront bénéficiaires de ces principes d’information et de participation, aux côtés de l’environnement lui-même, faut-il espérer. .
{mospagebreak title=5. ResSources}
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