Jellyfish
Il est rare de trouver dans l’histoire des sciences l'exemple d’une collaboration scientifique aussi équilibrée et réussie que celle qui lia Charles-Alexandre Lesueur (1778-1846) et François Péron (1775-1810). Engagé en 1800 comme simple aide-canonnier lors du Voyage aux Terres Australes, Lesueur, dessinateur talentueux, devient bientôt naturaliste de l’expédition aux côtés de François Péron. Si la récolte de l’expédition est considérable (180 000 spécimens zoologiques collectés et 2 500 espèces décrites pour la première fois), les deux naturalistes se concentrent peu à peu sur le cas d'un animal marin alors très méconnu : la méduse. Lesueur dessine, Péron décrit. Ils parviennent à porter le nombre d’espèces de méduses à 120, soit plus de quatre fois plus que ce qui était connu avant eux – beaucoup des noms donnés par Péron et Lesueur ont d'ailleurs été conservés.
Le tout constitue l’une des premières, mais aussi l’une des plus importantes collections d’illustrations de méduses au monde, à la fois pour la quantité des espèces représentées, et pour la qualité, tant esthétique que scientifique. Car Lesueur est avant tout un artiste de talent. La précision et la finesse du trait, la vivacité de la couleur, l’acuité de la description donnent à ses dessins un réalisme saisissant. Son travail à la loupe apporte à ses dessins un relief indéniable et il n’hésite pas à peindre avec un pinceau à un seul poil pour rendre plus parfaitement le filament d'une méduse.
Cassiopea forskalea, aquarelle sur vélin, Muséum du Havre |
Le manuscrit des Méduses, rédigé par François Péron entre 1808 et 1810, est le premier travail de cette envergure entrepris autour de ces animaux. Ce texte, qui analyse les travaux antérieurs sur le sujet, a un rayonnement extraordinaire pendant tout le XIXe siècle tant dans les grands traités de zoologie de Lamarck et de Cuvier, que dans ceux de Louis Agassiz aux États-Unis ou de Ernst Haeckel en Allemagne. Lire le texte complet de François Péron en version numérique tout en admirant les fabuleux vélins de Charles- Alexandre Lesueur, reproduits dans les pages de ce livre, est certes une démarche scientifique, mais surtout complète le projet de publication que les deux auteurs appelaient de leurs vœux et qu’ils ne purent jamais mener à bien. Quelque deux cents ans plus tard, le texte et les images sont à présent réunis.
Cyanea lamarcki, aquarelle sur vélin, Muséum du Havre |
Direction – Coffret réalisé sous la direction de Cédric Crémière, directeur du Muséum d'Histoire naturelle du Havre et de Gabrielle Baglione, conservatrice au Muséum d'Histoire naturelle du Havre et responsable de la collection Lesueur, en collaboration avec Jacqueline Goy, la "Dame aux Méduses", attachée scientifique de l’Institut océanographique de la Fondation Albert Ier de Monaco, et de Stéphane Schmitt, biologiste, directeur de recherche, CNRS.