Nicolas Sarkozy s'est rendu le 21 octobre en Eure-et-Loir où la
situation de l’eau est catastrophique avec aujourd’hui 40 000 personnes
qui sont desservies en permanence avec une eau "potable" non conforme à
la réglementation, sur les critères nitrates et pesticides. La situation
d’urgence sanitaire est telle qu’il faut procéder à la fermeture des
captages affectés par ces pollutions, au raccordement des réseaux et,
éventuellement, aux traitements. Le Président de la République a annoncé
que "les agences de l’eau ont accepté de participer au financement de ces travaux". Or, les investissements pour traitements curatifs, ne font pas partie des interventions des agences de l’eau !
"L’annonce du Président de la République est inquiétante car les
agences de l’eau ont précisément pour mission d’agir en amont, par des
mesures préventives. C’est ailleurs qu’il faut aller chercher les
ressources financières pour traiter l’urgence", indique Cyrille Deshayes, responsable Eau douce au WWF-France.
Selon WWF-France, le président départemental du syndicat agricole FDSEA 28, a réclamé une "pause environnementale". Parallèlement le maire de Châtillon-en-Dunois, agriculteur, a demandé une aide de l’État
pour financer les opérations curatives dans le département dont le coût
est estimé à 100 millions d’euros sur dix ans pour réaliser les
interconnexions, et à 200 millions sur vingt ans pour le renouvellement
des canalisations. Les élus ruraux, dont 25 % sont des agriculteurs dans
ce département, estiment en effet qu’ils ne sont pas en mesure de payer
la note. "La profession agricole fait preuve d’irresponsabilité :
elle ne veut pas modifier ses pratiques agricoles intensives
catastrophiques pour la ressource en eau et demande en même temps aux
Français de payer la facture ! Le Président de la République semble leur
emboîter le pas : après avoir annoncé un moratoire sur les obligations
environnementales fin août, il demande aux agences de l’eau de mener des
actions curatives alors que leur mission est de financer la reconquête
de la qualité des eaux brutes", dénonce Cyrille Deshayes.
La situation de l’Eure-et-Loir est emblématique, puisque ce département
héberge la plus grande partie de la Beauce, qualifiée de "grenier à blé"
de la France voire de l’Europe. Aujourd’hui la quasi-totalité des
nappes phréatiques du département est gravement affectée par une
pollution chronique de pesticides et de nitrates majoritairement
agricoles. Cette situation n’est pas le fait du hasard : ce département
reçoit plus de 150 millions d’euros par an d’aides de la Politique
agricole commune pour soutenir le secteur céréalier, utilisateur massif
de nitrates et de pesticides. "Sans subvention, leur mode de
production serait intenable en raison du coût des intrants (pesticides,
nitrates notamment) dont ils ont massivement besoin. On peut dire que
c’est à l’aide de l’argent du contribuable que les eaux de ce
département sont contaminées puis… décontaminées. L’Etat ne joue pas son
rôle de garant des deniers publics !" explique Isabelle Laudon, responsable des Politiques européennes au WWF-France. "L’annonce
d’un moratoire sur les obligations environnementales en matière
agricole par le Président de la République est dans ce contexte
particulièrement inquiétante : à l’heure où la Commission européenne
s’oriente vers plus d’environnement dans la future PAC, une telle
déclaration ne prépare pas l’avenir des agriculteurs français et ne
traduit pas une volonté du gouvernement de mettre fin à l’incohérence
entre les politiques publiques de l’eau et celle de l’agriculture", conclut Serge Orru, directeur général du WWF-France.
Gestion de l’eau en France et politique agricole : un long scandale d’État
Dossier d'information – WWF-France