Le collectif regroupant 8 ONG a déposé des recours très étayés au Conseil d’État contre l’arrêté définissant des distances de protection pour l’épandage ridiculement faibles au regard des dangers des pesticides et le décret organisant la "mainmise de la profession agricole" dans la rédaction des Chartes censées protéger les riverains.
En 2018, sous la pression de nos ONG, la loi Agriculture et Alimentation, dite loi EGalim, a introduit des dispositions (article 83) censées protéger les riverains des pesticides par la mise en place de chartes d’engagements. Parallèlement, et suite à l’action juridique d’un certain nombre d’ONG, le Conseil d’État, dans sa décision du 26 juin 2019 a confirmé que l’arrêté encadrant l’utilisation des pesticides daté du 4 mai 2017 s’avérait insuffisant notamment pour protéger les riverains, les travailleurs et la ressource en eau des effets des pesticides, en l’abrogeant partiellement. Pour répondre à l’obligation de réécriture de l’arrêté de mai 2017 et se mettre en conformité avec la loi EGAlim, le gouvernement a mis en consultation publique le 4 octobre 2019 les projets de textes réglementaires censés répondre à ces obligations de protection (à savoir un projet d’arrêté autorisant à pulvériser dans certains cas à seulement 3 mètres des habitations et un projet de décret sur les chartes dites de bon voisinage, censées protéger les populations, mais qui en pratique pourront être rédigées sous la seule dictée des acteurs agricoles). Malgré la très forte participation du public à la consultation publique qui a recueilli pas moins de 53 000 commentaires et le rejet massif de ces dispositions par les citoyens, les versions définitives du décret et de l’arrêté publiées le 27 décembre 2019, se sont avérées particulièrement décevantes et très en-deçà des précautions qu’il conviendrait de prendre, compte tenu notamment des données inquiétantes publiées dans la littérature scientifique. Les organisations ont donc décidé d’attaquer sur le fond l’arrêté ainsi que le décret et font valoir pour cela des arguments qui démontrent que les mesures proposées ne permettront pas de protéger les populations et les milieux des dangers des pesticides.
Le recours contre l’arrêté se divise en deux axes majeurs de moyens de légalité interne détaillés dans le dossier de presse, plus un troisième axe portant sur les moyens de légalité externe. Sur ce dernier point, il est mis en avant le fait, qu’au vu des délais très courts écoulés entre la publication officielle des textes réglementaires (fin décembre) et la fin de la consultation publique (début octobre) puis la publication de la synthèse de cette dernière (début janvier 2020, soit six jours après la date de publication des textes), le gouvernement n’a pu décemment faire le travail d’analyse et de prise en compte nécessaire des propositions formulées dans le cadre de la consultation et a donc simplement ignoré cette dernière… L’argumentaire sur le fond s’articule autour de deux axes majeurs : le premier portant sur le fait que les textes ne protégeront pas les populations (travailleurs et riverains) des dangers des pesticides ; le second sur le fait que ces textes ne protégeront pas non plus les milieux, et tout particulièrement la ressource en eau, des pollutions liées aux épandages de pesticides. "Au vu des données présentées dans nos recours, il s’avère évident que nos organisations ne pouvaient se satisfaire des textes publiés fin décembre. Les enjeux sanitaires et environnementaux que couvrent la problématique de l’utilisation des pesticides sont bien trop importants pour se contenter de textes sans ambition. Nous espérons que le Conseil d’État sera sensible à l’ensemble des arguments présentés qui reposent en grande partie sur des données scientifiques et des ressources officielles et qu’il prendra la décision d’annuler ces textes non protecteurs. Une telle décision obligerait ainsi le gouvernement à revoir sa copie et publier de nouveaux textes au plus vite car n’oublions pas que les épandages de pesticides vont reprendre avec le retour du printemps et que de nouveaux les riverains, les travailleurs, nos milieux seront exposés à des produits dont la nocivité est scientifiquement démontrée, ce que nos ONG ne peuvent accepter", conclut le communiqué.