France Nature Environnement tire la sonnette d’alarme : le géant international Nestlé Waters s’est approprié la ressource en eau de Vittel pour commercialiser de l’eau en bouteilles, exportée en Allemagne, au risque d’épuiser la nappe et au détriment des populations locales.
Nestlé Waters, propriétaire de dix marques d’eau en bouteille en France et en Belgique, surexploite sans vergogne une nappe d’eau souterraine au détriment des populations locales en France, à Vittel. Depuis près de trente ans, la nappe dans laquelle prélève la multinationale présente un déficit chronique annuel d’environ 1 million de mètres cubes, soit la quantité d’eau que Nestlé Waters est autorisé à prélever. Le niveau de la nappe a déjà baissé de 10 mètres. Il sera bien entendu très difficile de faire remonter le niveau de cette eau souterraine, compte-tenu des conditions géologiques locales, mais surtout de la non-volonté des pouvoirs publics de poser des limites à Nestlé Waters. Au-delà de l’épuisement de la ressource en eau, en totale contradiction avec l’image que souhaite se donner Nestlé Waters, la manière de faire est également choquante d’un point de vue social, dénonce l’ONG. En lien avec les services de l’État, la stratégie imaginée pour approvisionner en eau potable les populations locales de Vittel n’est autre qu’un transfert massif d’eau sur des dizaines de kilomètres de pipeline, pour un coût de 20 à 30 millions d’euros sur vingt ans. Ainsi, Nestlé pourra continuer son exploitation, pendant que les habitants de Vittel se verront répercuter le prix des travaux sur leur facture d’eau. Aller puiser l’eau chez les voisins avec des risques d’impacts environnementaux encore mal évalués, et ce dans un contexte de changement climatique qui affecte la ressource en eau, ne paraît pas être une solution économiquement, socialement et écologiquement raisonnable.
C’est un réel monopole que s’octroie Nestlé sur une ressource en eau qui n’est censée appartenir à personne, si ce n’est aux populations locales pour subvenir à leurs besoins vitaux d’alimentation en eau potable. La loi sur l’eau de 2006 mentionne clairement que l’usage prioritaire d’une ressource en eau en France est l’alimentation en eau potable. Les activités économiques ne sont pas prioritaires, et l’eau est un bien commun, non privé ou privatisable. La reconnaissance implicite de la priorité de prélèvement à Nestlé Waters, contraignant les collectivités locales à "aller boire ailleurs", est inacceptable. Mais Nestlé n’est pas seul responsable de la situation car, pour avoir le droit d’épuiser la ressource en eau de Vittel, une entente avec certains acteurs locaux et services de l’État a dû avoir lieu. Une entente qui n’est d’ailleurs pas sans conflit d’intérêt, et qui reflète une relation bien trouble entre la multinationale et certains acteurs publics ; en l’occurrence, l’ancienne présidente de la Commission locale de l’eau, en charge du suivi du dossier et également maire adjointe de Vittel, fait l’objet d’une enquête préliminaire pour prise illégale d’intérêt : son mari, alors cadre international de Nestlé, est le président de la vigie de l’Eau, association chargée du portage du schéma d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE) de 2010 à 2016, et qui était à l’origine financée par Nestlé.
Quatre associations locales (Vosges Nature Environnement, Oiseaux Nature, l’Association de sauvegarde des vallées et de prévention des pollutions et UFC Que Choisir 88) se battent depuis plus d’un an pour dénoncer ce choix dicté par le chantage économique. La fédération nationale soutient ouvertement et fermement cette dénonciation. Pour Michel Dubromel, président de France Nature Environnement, "il est impossible d’accepter qu’un géant mondial de l’eau en bouteille assèche une nappe d’eau et oblige les populations locales à s’approvisionner en eau potable ailleurs. La situation à Vittel est la preuve d’une non-gestion en responsabilité de la ressource en eau locale disponible, pourtant suffisamment abondante pour satisfaire les besoins du territoire à condition que chacun prenne en compte les besoins des uns et des autres."