Mercredi 30 septembre 2015, le niveau de la Seine vient d’atteindre son
pic à 8,62 mètres, soit au niveau atteint en 1910, et les eaux vont
maintenant stagner pendant plusieurs jours. À 14h30, Anne Hidalgo,
maire de Paris, fait son entrée dans la salle de crise de la direction
de la prévention et de la protection (DPP) de la Ville de Paris, place
Baudoyer, dans le 4ème arrondissement. Immédiatement Matthieu Clouzeau,
directeur, lui fait un point de la situation...
Martine LE BECh2o – octobre 2015
... Les coupures électriques, visibles en noir sur le grand écran de la salle, s’étendent bien au-delà des zones inondées, les Parisiens sont fortement impactés, de même que les équipements de la Ville. Les directions ont pris les dispositions pour fermer les sites qui ne sont pas vitaux ou se redéployer dans les arrondissements épargnés. Depuis la veille en début d’après midi, alors que le niveau des eaux atteignait 5,50 mètres, la zone de défense et de sécurité de Paris a lancé des appels afin que les Parisiens qui le peuvent quittent la capitale. Depuis lors cependant, le trafic ferroviaire a été suspendu mais les voies d’autoroutes ont été aménagées pour faciliter les sorties et évidement bloquer les entrées. La majorité des lignes de métro sont à l’arrêt et tous les ponts sont fermés. En début de soirée, alors que les eaux continuaient de monter, les immeubles de grande hauteur du 15ème arrondissement étaient évacués et les habitants hébergés par la Ville dans les gymnases et les écoles ; de même pour les EHPAD menacés (établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes), dont les pensionnaires ont été envoyés dans d’autres établissements de la ville ou de la banlieue. La protection civile organise des maraudes pour visiter les personnes isolées – en particulier les personnes âgées ou hospitalisées à domicile et dont les systèmes d’alerte ne fonctionnent plus. En réquisitionnant des lieux comme le parc d’exposition de la Porte de Versailles ou le parc floral de Vincennes, la Ville est capable d’assurer l’hébergement d’environ 80 000 personnes mais en mode très dégradé. Elle doit dans le même temps libérer des lieux sécurisés pour stocker les ordures ménagères (celles de la rive gauche et d’une partie de la banlieue seront ainsi provisoirement déposées dans un site aménagé du parc de la Porte de Versailles, alors que les camions-bennes seront remisés à l’hippodrome de Vincennes). Des incertitudes demeurent encore sur l’approvisionnement de la capitale en denrées alimentaires et en essence. Les véhicules GNV, qui constituent une partie de la flotte de la Ville, sont inopérants la majorité des compresseurs étant localisée dans des parkings souterrains.
Paris a testé pendant deux jours, mardi 29 et mercredi 30 septembre, le dispositif de crise mis en place en cas de crue de la Seine. Cet exercice en temps réel était une préparation à l’exercice global prévu en mars 2016 et qui sera organisé par la zone de défense et de sécurité de Paris.
Dans la salle, les vingt directions de la Ville étaient en contact avec leurs propres PC de crise et treize partenaires extérieurs – les OIV (opérateurs d’importance vitale : ERDF, GRDF, RATP, SNCF, Eau de Paris, SIAAP, etc.) à leurs postes dans leurs propres salles de crise. Au fur et à mesure de la première journée et de la nuit, un certain nombre d’événements leur ont été communiqués et auxquels il leur a fallu réagir. Le déroulement du scénario a été pensé et écrit par le Haut Comité français pour la défense civile.
Selon la Mairie, la Ville est capable, en quelques heures, de mobiliser des moyens considérables pour pallier les risques encourus dans une telle situation. Le débriefing de l’exercice devra permettre d’en jauger la fiabilité et surtout de déterminer les faiblesses des dispositifs à l’œuvre.
Comme l’a fait remarquer la maire de Paris, les risques majeurs seront plus insidieux, car souterrains. Les infrastructures souterraines de la capitale sont conséquentes puisqu’on y dénombre quelque 20 000 parkings résidentiels et constructions en sous-sol, plus de 140 parcs de stationnement concédés par la ville de Paris, 197 kilomètres de galeries du métro souterrain et 46 kilomètres pour le réseau express souterrain (RER). Les aquifères parisiens sont surveillés par l'Inspection générale des carrières de Paris (un service de la Ville) grâce à un réseau de piézomètres, qui suit en particulier les ouvrages à proximité de la Seine pour anticiper les conséquences d'une crue ; ce réseau, qui se poursuit sur les communes avoisinantes, va être développé et modernisé dans le cadre du PAPI (programme d’actions de prévention des inondations de la Seine et de la Marne franciliennes), qui prévoit notamment l’installation de télétransmetteurs. On peut donc espérer disposer bientôt d’une meilleure connaissance des écoulements souterrains et, en particulier, d’un suivi en temps réel du niveau des eaux dans les sous-sols. "Ce dispositif est déjà partiellement en place et commence à être opérant", explique Didier Vardon, sous-directeur de la sûreté et de la gestion de crise à la DPP, en précisant : "Il en est de même des systèmes d’informations cartographiques et de données qui sont aujourd’hui rodés, mais dont nous devons encore améliorer l’interopérabilité avec les systèmes des divers opérateurs."
"Les douze derniers mois ont été marqués par une accélération forte de la concertation entre les différents services et avec les opérateurs, poursuit Didier Vardon, l’exercice de Paris s’inscrit donc dans une démarche initiée depuis 2014 et ayant conduit à la tenue de réunions entre les directions de la Ville et les opérateurs extérieurs." "Au-delà de la préparation des outils techniques, le deuxième axe de travail vise les plans de continuité d’activité des uns et des autres." Alors que Paris sera un temps coupée en deux – avec d’un côté la rive droite, de l’autre la rive gauche – l’essentiel sera de ramener au plus vite la ville, ses habitants et ses entreprises à des conditions à peu près normales de vie et d’activité. Cela devrait être assez rapide pour l'électricité et le chauffage urbain, et même pour le métro à condition que les installations n'aient pas été trop endommagées. Néanmoins, beaucoup de services resteront un temps dans une situation intermédiaire.
L’exercice était aussi un galop d’essai en vue de l'exercice majeur organisé par la Préfecture de police avec près d'une centaine d'acteurs publics et privés entre le 7 et le 18 mars 2016. Réalisé sur financement européen, EU Sequana 2016 simulera une crue majeure en Île-de-France, avec cette fois des entraînements de terrain. .
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La Seine – Paris.fr PAPI, programme d’actions de prévention des inondations de la Seine et de la Marne franciliennes – synthèse au format PDF Modélisation hydrogéologique des aquifères de Paris et impacts des aménagements du sous-sol sur les écoulements souterrains – Aurélie Lamé, thèse de doctorat, Mines ParisTech, décembre 2013 |
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H2O invite les acteurs et opérateurs majeurs à lui transmettre leur plan de réponse en cas d'inondation majeure. La RATP, ERDF et la SEMMARIS (société gestionnaire du marché international de Rungis) ont d'ores et déjà répondu à notre invitation. Leurs commentaires et plans d'action seront rapidement mis en ligne.
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