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PLUS D'INCERTITUDE, PLUS DE RISQUE
Rapport mondial sur la mise en valeur des ressources en eau des
Nations unies

L’augmentation rapide de la demande et le changement climatique
soumettent les ressources en eau à une pression croissante selon le
nouveau Rapport mondial des
Nations unies sur la mise en valeur des ressources en eau.

Programme mondial pour l’évaluation des ressources en eau – WWAPprogramme ONU-Eau – hébergé par l'UNESCO

photo Thierry PRATH2o – mars 2012

 

Alors que la demande s’accroît dans le monde, l’eau douce disponible devrait se raréfier dans de nombreuses régions du fait du changement climatique : tel est l’avertissement que lance la dernière édition du Rapport mondial sur la mise en valeur des ressources en eau des Nations unies – WWDR4. Il prévoit que ces pressions exacerberont les disparités économiques entre certains pays, ainsi qu’entre secteurs ou régions au sein des pays. Pour une grande part, ce fardeau devrait peser sur les pauvres.


Accroissement spectaculaire de la demande en eau, pour tous ses principaux usages

La demande en eau provient de quatre sources principales : l’agriculture, la production d’énergie, les usages industriels et la consommation humaine.

La production agricole et l’élevage sont de gros consommateurs d’eau et l’agriculture seule utilise 70 % de toute l’eau consommée par le secteur agricole, les villes et l’industrie (y compris énergétique) combinés.

L’explosion de la demande de produits d’élevage, notamment, accroît la demande en eau. La demande alimentaire mondiale devrait augmenter de 70 % d’ici 2050.

Cependant, selon le Rapport, le principal défi auquel le monde est confronté aujourd'hui n'est pas tant d'accroître de 70 % la production alimentaire en 40 ans que d’accroître de 70 % la quantité de nourriture disponible dans les assiettes. Les meilleures estimations de l’évolution mondiale de la consommation d'eau pour l'agriculture (précipitations naturelles et irrigation confondues) prévoient une augmentation d'environ 19 % d'ici 2050, mais ce chiffre pourrait être bien plus élevé si les rendements de la production agricole ne s'améliorent pas considérablement. Le développement de l'irrigation aura lieu en grande partie dans des régions qui souffrent déjà de la rareté de l'eau. Une gestion responsable de l'eau destinée à l'agriculture apportera une contribution majeure à la sécurité hydrique mondiale pour l’avenir.

Toutes les sources d’énergie et d’électricité ont besoin d’eau dans leurs processus de production, qu’il s’agisse de l’extraction des matières premières, du refroidissement dans les procédés thermiques, des processus de nettoyage, des cultures destinées aux biocarburants ou de l’alimentation des turbines hydroélectriques. Plus d'un milliard d'individus sont déjà dépourvus d'accès à l'électricité et à d'autres sources d'énergie propres. La consommation mondiale d'énergie devrait s’accroître d'environ 50 % entre aujourd'hui et 2035 du fait de la croissance démographique et de l'accroissement de l'activité économique, les pays non membres de l'OCDE comptant pour 84 % de cette augmentation.

L’eau fait partie intégrante de nombreux processus industriels et l'accroissement de la demande en eau pour les usages industriels sera une conséquence d’une activité économique croissante. On entend par "eau virtuelle" (ou "eau cachée") le volume d’eau utilisé pour la production d’un bien ou service, et les milliards de tonnes d’aliments et autres produits échangés à l’échelle mondiale font ainsi participer les pays, sans qu’ils en aient conscience, au commerce de l’eau. Pour ce qui est de la consommation humaine, la demande provient essentiellement des communautés urbaines, qui ont besoin d’eau pour la boisson, l’assainissement et les réseaux d’évacuation. La population urbaine mondiale devrait atteindre 6,3 milliards d’individus en 2050, contre 3,4 milliards en 2009, ce qui correspond à la fois à la croissance démographique et aux migrations nettes des campagnes vers les villes. La population urbaine ne disposant d’un accès à l’eau augmente. On estime que le nombre de personnes vivant dans des villes et dépourvues d’accès à l’eau et à un assainissement améliorés a augmenté de quelque 20 % depuis l’adoption des Objectifs du Millénaire pour le développement.

Près d’un milliard de personnes n’ont toujours pas accès à une alimentation en eau potable améliorée et ceux qui n’ont pas accès à l’eau courante en ville sont aujourd’hui plus nombreux qu’ils n’étaient à la fin des années 1990. Qui plus est, 1,4 milliard de personnes n’ont pas l’électricité chez eux et près d’un milliard souffrent de malnutrition. En 2010, il était fait état de 2,6 milliards de personnes dans le monde n’ayant pas accès à un assainissement amélioré. Sur environ 1,3 milliard de personnes ayant accédé à un assainissement amélioré entre 1990 et 2008, 64 % vivent dans des zones urbaines. Cependant, si elles sont mieux desservies que les zones rurales, les zones urbaines ont le plus grand mal à s’adapter à la croissance de leur population. Malgré des progrès, dans certains pays et dans certaines régions, vers la réalisation de ceux des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) qui se rapportent à l’eau, il reste beaucoup à faire, en particulier pour répondre aux besoins spéciaux des membres les plus vulnérables de la société – les femmes et les enfants –, qui sont aussi les plus exposés à la pauvreté.


L’eau et le changement climatique

L’eau est le premier vecteur par lequel le changement climatique influe sur l’écosystème terrestre et, partant, sur les moyens de subsistance et sur le bien-être des sociétés.

Le changement climatique planétaire devrait exacerber les stress actuels et futurs qui pèsent sur les ressources en eau du fait de la croissance démographique et de l’utilisation des terres, ainsi que la fréquence et la gravité des sécheresses et des inondations.

Il est prévisible que le changement climatique affectera la quantité des ressources en eau disponibles du fait de la modification de la répartition des précipitations, de l’humidité des sols, de la fonte des glaciers et des neiges/glaces et du cours des rivières et des eaux souterraines.

Les risques liés à l’eau représentent 90 % de l’ensemble des risques naturels et, d’une manière générale, leur fréquence et leur intensité augmentent, avec des conséquences graves pour le développement économique. Entre 1990 et 2000, dans plusieurs pays en développement, les risques naturels ont causé des dégâts représentant entre 2 % et 15 % de leur PIB annuel.

Il est ainsi prévu que l’Asie du Sud et l’Afrique australe devraient être les régions les plus vulnérables aux pénuries alimentaires liées au changement climatique d’ici 2030. Le stress hydrique devrait également s’accroître en Europe centrale et du Sud et, d’ici aux années 2070, le nombre de personnes touchées passera de 28 millions à 44 millions. Le débit estival devrait diminuer dans une proportion pouvant atteindre 80 % en Europe du Sud et dans certaines parties de l’Europe orientale.

Le coût de l’adaptation à une élévation de 2 °C de la température moyenne mondiale pourrait se situer entre 70 et 100 milliards de dollars EU par an entre 2020 et 2050. Sur ce total, un montant de 13,7 milliards de dollars EU (scénario sec) à 19,2 milliards de dollars EU (scénario humide) sera lié au secteur de l’eau, du fait principalement de l’alimentation en eau et de la gestion des inondations.


Variabilité et incertitude de l’approvisionnement en eau

L’eau souterraine est cruciale pour les moyens de subsistance et la sécurité alimentaire de plus d’un milliard de foyers ruraux des régions les plus pauvres d’Afrique et d’Asie, ainsi que pour l’approvisionnement domestique d’une grande partie de la population dans le reste du monde.

Au cours des 50 dernières années, le taux de prélèvement mondial des eaux souterraines a au moins triplé, accélérant significativement la production alimentaire et le développement rural. Il s’agit désormais d’une source majeure pour la consommation humaine, qui fournit près de la moitié de toute l’eau potable dans le monde. L’omniprésence des beaux souterraines et l’incomparable rôle de tampon qu’elles jouent ont permis aux populations humaines de s’installer et de survivre dans des zones sèches où les pluies et le ruissellement sont rares ou imprévisibles.

Cependant, si important que soit le volume d’eau que contiennent ces aquifères, le fait qu’ils ne soient souvent pas renouvelables signifie qu’ils peuvent finir par s’épuiser si leur utilisation n’est pas bien gérée. Sur certains sites sensibles, la disponibilité des ressources en eau souterraine non renouvelable a atteint des limites critiques.

Les glaciers ont également un rôle de tampons. À court terme, la diminution des glaciers ajoute de l’eau au cours des rivières par rapport aux précipitations annuelles et accroît ainsi localement l’alimentation immédiate en eau. Sur le plus long terme, cependant, à mesure que se poursuivra – comme on le prévoit – la lente disparition des glaciers, la quantité d’eau qu’ils fournissent diminuera également, réduisant de facto l’approvisionnement en eau à long terme.

La "disponibilité" de l’eau est également déterminée par sa qualité. Une eau polluée ne peut pas être utilisée pour la boisson, la baignade, les usages industriels ou l'agriculture. Elle nuit à la santé humaine et dégrade les services des écosystèmes. On estime qu'à l'échelle mondiale, plus de 80 % des eaux usées ne sont pas collectées ou traitées, et l'habitat urbain est la principale source de pollution ponctuelle. Le coût économique d'une eau de mauvaise qualité dans les pays du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord représente de 0,5 % à 2,5 % du PIB.

"Centralité" de l’eau

Les crises financières, alimentaires, énergétiques et climatiques sont, même isolément, des problèmes graves, mais leurs effets combinés pourraient être catastrophiques pour la durabilité à l’échelle mondiale.

L’eau sous-tend tous les aspects du développement : elle est le seul vecteur qui relie les secteurs et permette de traiter conjointement les crises mondiales majeures. Elle est un élément clé de la croissance verte et de la création d’économies vertes.

Il est très peu vraisemblable que notre demande croissante en eau puisse être satisfaite uniquement par des solutions axées sur l’offre. Les solutions essentielles à la crise mondiale de l’eau résident plutôt dans notre capacité à mieux gérer la demande tout en cherchant à équilibrer et à maximiser les divers bénéfices de l’eau.

Le complexe "eau-alimentation-énergie" illustre les choix difficiles, les risques et les incertitudes auxquels sont aujourd’hui confrontés les décideurs politiques. Nombreux sont les exemples de conséquences provoquées, volontairement ou non, en promouvant une cause plutôt qu’une autre (par exemple la sécurité alimentaire plutôt que la sécurité énergétique ou hydrique). Un défi fondamental consistera à intégrer ces interconnexions complexes dans des stratégies tenant compte des arbitrages et intérêts divers des diverses parties prenantes.

Cette dernière édition du Rapport propose une nouvelle manière de considérer la réalité qui est aujourd’hui celle de l’eau : à travers le prisme du risque et de l’incertitude. Elle veut inciter à penser différemment l’avenir collectif du monde en identifiant les outils et les approches qui maximisent les bénéfices de l’eau pour les divers secteurs du développement et en démontrant que des scénarios gagnant-gagnant sont réellement possibles. Les responsables du monde politique et du monde des affaires, ainsi que les gestionnaires et utilisateurs de l’eau et les citoyens ordinaires, ont une occasion unique de dépasser les problèmes et les risques immédiats et d’opérer des évolutions à long terme en vue d’une prospérité durable pour tous, grâce à l’eau. .

 

 

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ResSources
Le Rapport mondial sur la mise en valeur des ressources en eau des Nations unies (WWDR), rapport phare d’ONU-Eau, est produit par le Programme mondial pour l’évaluation des ressources en eau (WWAP), programme d’ONU-Eau hébergé par l’UNESCO.

ONU-Eau est le mécanisme de coordination des Nations Unies pour toutes les questions relatives à l’eau douce, qui rassemble les travaux de 29 institutions membres des Nations unies et de 25 organisations partenaires. Le WWAP collabore étroitement avec les membres et les partenaires d’ONU-Eau à l’élaboration du WWDR, produit collectif de la coopération la plus étendue au sein du système des Nations unies.

Ce rapport phare est une analyse globale qui offre une image d’ensemble de l’état des ressources mondiales en eau douce. Il analyse les pressions produites par les décisions qui orientent la demande en eau et influent sur sa durabilité. Il propose des outils et des réponses possibles, afin d’aider les responsables des pouvoirs publics, du secteur privé et de la société civile à relever les défis d’aujourd’hui et de demain. Il suggère également des manières de réformer les institutions.

La 4ème édition de ce rapport présente des informations directement issues des régions, en mettant en lumière les points sensibles, et intègre la dimension de l’égalité des genres, traitée comme une question essentielle. Elle introduit une approche thématique – "Gérer l’eau dans des conditions d’incertitude et de risque" – dans le contexte d’un monde qui change plus vite que jamais, et d’une manière souvent imprévisible.

Programme mondial pour l’évaluation des ressources en eau – WWAP