Les hommes d'Isaac creusèrent dans le lit sec du wadi et y trouvèrent un puits d'eau vive. Le berger de Gerar se prit de querelle avec le berger d'Isaac en disant : "Cette eau nous appartient". Isaac appela le nouveau puits Eshek (querelle) puisqu'il s'était querellé avec le berger. Puis il creusa un nouveau puits ailleurs et ils ne se querellèrent pas à son sujet. Aussi l'appela-t-il Rehovot (spacieux). Il dit : "Il est sûr que l'Éternel a fait de l'espace pour nous maintenant, ainsi pourrons- nous tous prospérer sur cette terre. (Genèse 26)
"La prochaine guerre au Moyen-Orient aura l'eau pour cause", déclarait Boutros Boutros-Ghali. Le sujet fait recette, beaucoup de journalistes, de politologues et même d'experts ont abondé dans ce sens finissant par établir l'hypothèse d'une guerre de l'eau au Proche-Orient comme un fait acquis. "Guerre de l'eau", "Eau et conflits", "La bataille de l'or bleu", "Rivières de sang"... les titres d'articles ou d'ouvrages sont aguicheurs.
L'eau est rare dans la région, et lorsqu'il en vient, elle a tendance à s'évaporer : l'évaporation peut atteindre 95 % comme dans les Émirats arabes unis ; en Égypte, les pertes dues à l'évaporation du lac Nasser s'élèvent à elles seules à 10 milliards de mc/an ; 47 % des précipitations que reçoit le Liban se perdent aissi ainsi par évaporation... À ce contexte climatique vient s'ajouter le problème de l'érosion des sols. Aux courtes et violentes averses qui tombent souvent à la fin de la saison sèche succède un ruissellement important dont les effets dévastateurs sont amplifiés par l'absence de couverture végétale.
Gaspillée – Malgré la rareté de l'eau au Moyen-Orient, son utilisation est devenue aussi dispendieuse et imprévoyante que dans des régions mieux dotées. Les populations la considère comme une denrée infiniment renouvelable. Les autorités n'arrivent pas à se résoudre à fixer à l'eau un prix, sinon élevé, du moins économiquement rationnel. On gère en termes de distribution et non en termes de conservation et d'économie.
De plus en plus menacée – Non seulement l'eau devient rare mais sa qualité ne cesse de se dégrader. L'agriculture, l'expansion anarchique des villes, l'industrie, en sont les premières responsables. Aucun système d'assainissement, utilisation abusive des engrais et pesticides, des méthodes d'irrigation mal adaptées, qui accentuent à terme la salinité et la stérilisation des sols...
La Banque mondiale classe la région Moyen-Orient/Afrique du Nord comme étant la plus pauvre du monde en ressources naturelles renouvelables. Concernant l'eau en particulier, il faut distinguer :
La Turquie – Château d'eau de la région, la Turquie dispose de 26 bassins fluviaux importants. À eux seuls, le Tigre et l'Euphrate fournissent un tiers des eaux de surfaces du pays. En 1980, la Turquie s'est lancée dans la construction d'un gigantesque complexe. hydraulique, appelé GAP (Géneydogu Anadolu Projesi), incluant le barrage Ataturk, cinquième plus grand barrage du monde. Au terme de son achèvement, prévu pour 2005-2010, plus vraisemblablement 2030, le GAP devrait entraîner une diminution du débit de l'Euphrate à hauteur de 40 % pour la Syrie et de 90 % pour l'Irak, avec aussi toutes les répercutions que cela induit au niveau de la qualité de l'eau (des taux de salinisation et de pollution augmentés). Un éventuel conflit risquerait d'entraîner deux autres acteurs indirects : les Kurdes – c'est effectivement au Kurdistan que se trouve l'essentiel des ressources en eau du pays ; ce qui a d'ores et déjà "justifié" le déplacement d'une partie de la population de la région ; et Israël – acquéreur déclaré d'éventuelles quantités d'eau qui pourraient être acheminées jusqu'en Israël par de supertankers (sorte de "bateaux méduses"). Ici rien de plus que des rumeurs, même s'il est vrai que le procédé a déjà été utilisé par deux fois pour approvisionner Morphou, en Chypre Nord, sous influence turque, afin de pallier la grave pénurie d'eau dont souffre l'île. L'idée d'un aqueduc souterrain a d'ailleurs été évoquée. L'ouvrage relierait le continent à l'île, vraisemblabement à hauteur de Famagouste, dans un futur indéterminé.
Le Liban – Quatre fleuves principaux assurent l'approvisionnement du pays : le Litani, qui longe toute la plaine de la Bekaa, l'Assi (l'Oronte), qui prend sa source dans l'anti-liban et coule ensuite vers la Syrie, le Hasbani qui descend vers Israël, enfin le Nahr Al-Kelb, qui coule de la Syrie au Liban, et auxquels s'ajoutent une multitude de petits cours d'eau d'intérêt local. Des projets avaient été élaborés dans les années 50 et 60 sur le Litani pour améliorer le niveau de vie de la population du Sud-Liban dans les domaines de l'irrigation et de l'énergie hydroélectrique. Seule la première partie du projet, couvrant le barrage de Qiraoun et un tunnel de dérivation entre le Litani et l'Awali, a pu être achevée. Depuis mars 1978 (date de l'opération Litani engagée par Israël), le fleuve est considéré par l'État hébreu comme une ligne rouge en deçà de laquelle il estime sa sécurité menacée. On a beaucoup parlé d'un projet de tunnel élaboré par Israël pour dévier l'eau du fleuve vers la vallée du Hasbani, au nord du lac de Tibériade. Il n'existe aucune preuve de ce tunnel, pas plus que d'éventuel transport d'eau par camions-citernes vers Israël.
L'Égypte – Le Nil pourvoit l'Égypte en eau à hauteur de 97 % de ses ressources et 95 % de la population égyptienne vit exclusivement sur ses rives.Conscientes du rôle vital du Nil dans l'existence du pays, les autorités égyptiennes ont toujours suivi avec le plus grand intérêt les changements politiques et militaires survenus en amont. C'est à l'accession du Soudan à l'indépendance que le Caire a pris la décision de construire le Haut Barrage d'Assouan afin d'éviter de se trouver un jour privé d'eau. Le Nil en Égypte, c'est aussi presque un stress national, comme l'a expliqué John Waterbury : "Le sens de la vulnérabilité des États situés en aval, comme l'Égypte, et la peur qui en résulte dictent toutes les décisions concernant le choix des projets et des techniques destinés à maîtriser le fleuve. Aucun autre fleuve de cette importance n'est partagé par tant d'acteurs autonomes et aucun pays situé en aval d'une voie d'eau n'est aussi dépendant de son existence que l'Égypte vis-à-vis du Nil." Dès 1929, l'Égypte et le Soudan, représentés par l'Angleterre ont signé un traité pour le partage des eaux du Nil. Avec son accession à l'indépendance en 1956, le Soudan réclame une renégociation du traité. Les négociation, menée dans un contexte international trouble, aboutiront en novembre 1959 sur des dispositions toujours applicables aujourd'hui. Ce traité n'évoque aucun des pays d'amont, au premier rang desquels l'Éthiopie qui continue bien sûr de réclamer sa part. Précisons que le Nil bleu, contrôlé par l'Éthiopie, compose le Nil Égyptien à plus de 80 %. À terme, on ne peut qu'envisager aussi l'intervention de l'Ouganda, de la Tanzanie et du Kenya qui enregistrent les plus forts taux de croissance démographique du monde et seront donc très rapidement contraints de tirer un meilleur profit des eaux du lac Victoria ou le Nil blanc prend sa source.
La Syrie – La Syrie dépend en grande partie de l'eau turque et a construit plusieurs barrages sur l'Euphrate dont le barrage Al-Thawra, à Tabqa, qui constitue la pièce maîtresse de l'aménagement de la vallée de l'Euphrate avec l'irrigation de 640 ha. Par ailleurs, la Syrie contrôle les sources du Yarmouk et les exploite aussi de plus en plus, ne laissant à la Jordanie que des quantités d'eau très limitées. L'importance des détournements ont ici d'ores et déjà sapé le projet de barrage commun syro-jordanien El-Wadha (l'unité), ne faisant que raviver les tensions.
L'Irak – Si l'Irak est riche en eau, c'est grâce au Tigre et à l'Euphrate. Mais richesse ne rime pas forcément avec bonne gestion. Et le problème est ici accentué par l'insuffisance des infrastructures. Des aménagements ont été faits sur les deux fleuves pour en réguler le flux et limiter les inondations (qui augmentent la salinité des sols). Mais, considérablement affaibli par l'embargo économique total des Nations unies, l'Irak n'a pu procédé à l'entière réparation des infrastructures hydrauliques détruites lors des attaques américaines de 1990. Un grand projet serait néanmoins aujourd'hui en cours de réalisation, il s'agit de la construction d'un "troisième fleuve", un canal long de 565 km, creusé entre le Tigre et l'Euphrate et dont l'objectif sera de réduire la salinité des terres agricoles et de drainer aussi les régions marécageuses du sud.
La Jordanie – La Jordanie est située dans sa presque totalité dans une zone semi-aride. Seulement 6 % de sa superficie reçoit des précipitations supérieures à 300 mm/an, quantité minimum requise pour faire pousser du blé. Les eaux disponibles proviennent à l'heure actuelle pour près de moitié d'eaux de surface et pour le reste de réserves souterraines pour beaucoup d'entre elles non renouvelables. Malgré une consommation per capita très faible, les nappes aquifères jordaniennes ont été exploitées au-delà de leur capacité critique.Le problème est accentué par le fait que l'Arabie Saoudite a aussi commencé à puiser dans une nappe que se partagent les deux pays. Avec une population de l'ordre de 5,3 millions d'habitants en l'an 2000, le déficit en eau de la Jordanie risque d'atteindre 370 mmc/an.
Israël – Les deux tiers des besoins en eau d'Israël sont assurés par les eaux souterraines, qui sont de plus en plus exposées à la pollution et à l'exploitation excessive. L'épuisement des réserves combinée à l'arrivée de nouveaux immigrants en provenance de l'ex-Union Soviétique ne font qu'accentuer le problème. Pour en limiter la pression qui en résulte, l'État hébreu devrait d'ores et déjà repenser sa politique agricole en limitant ses surfaces et en accordant un moindre intérêt aux cultures grandes consommatrices d'eau (comme le coton ou les agrumes).
La Cisjordanie – Le potentiel en eau de la Cisjordanie est constitué de l'eau de surface du Jourdain et de petits cours d'eau, plus de l'eau souterraine de trois nappes phréatiques régulièrement générées grâce aux pluies. L'occupation des territoires durant la guerre de 1967 a donné à Israël l'accès à de nouvelles et importantes ressources hydrauliques. Des décrets réglementent tous les domaines qui s'appliquent à l'eau : son extraction, son transfert, ses utilisations, sa vente. Cela a créé une situation de deséquilibre non seulement entre Israël et la Cisjordanie, mais aussi à l'intérieur des territoires entre palestiniens et colons juifs. Les quelque 1,2 million de Palestiniens de Cisjordanie ne profitent que de 17 % des eaux des nappes phréatiques de la région, en ne recevant que 160 mmc/an alors que le rendement annuel des nappes est estimé à 650 mmc.
Gaza –La situation de la bande de Gaza n'est pas meilleure puisque 5 000 colons juifs absorbent ici 17 % de la consommation totale de la région. Cette situation est aggravée par des pompages obliques dans les nappes, effectués à partir du territoire israélien et par la construction de barrages sur les wadis avant leur entrée dans la bande de Gaza. "Sans accord sur l'eau, il n'y aura pas d'accord", avait déclaré Yitzhak Rabin. Depuis septembre 1993, un comité de suivi composé d'experts israéliens et palestiniens a été créé afin de développer la coopération dans le domaine hydraulique. Les positions des deux parties paraissent inconciliables. Les palestiniens exigent l'entier contrôle de l'eau dans les régions de Jéricho et de Gaza. Les Israéliens veulent à tout prix conserver l'accès à l'eau dans l'ensemble des territoires en prétextant les droits historiques de riverains. C'est un fait que depuis 65 ans, l'État hébreu utilise une grande partie des eaux souterraines qui s'écoulent aussi, en suivant une courbe naturelle, dans son territoire. L'intransigeance des responsables israéliens est accentuée par l précédent de Gaza, où les Palestiniens ayant reçu le contrôle de l'eau se livreraient à un surpompage, menaçant ainsi la qualité d'une eau déjà polluée et très saline.
Ne serait-ce qu'en remontant à 1948, date du premier conflit israélo-arabe, peut-on affirmer que les problèmes d'eau ont parfois – sinon conduit – du moins contribué au déclenchement de la guerre ? La théorie est aujourd'hui très en vogue.
Bien qu'il ait auparavant eu d'autres confrontations militaires entre la Syrie et Israël au sujet des sources El-Hamma, la première confrontation sérieuse eut lieu en septembre 1953, lorsque Israël commença à creuser un canal dans la zone démilitarisée entre les deux pays, le long du Jourdain. Il s'agissait de la première étape du grand projet d'Aqueduc national destiné à transporter l'eau du Jourdain vers le terres agricoles du Sud et du Néguev.
La Syrie élève une protestation auprès du Conseil de sécurité des Nations unies. Le chef d'état-major des forces de l'ONU demande à Israël de mettre fin aux travaux et de cesser toute activité militaire dans la zone démilitarisée. Israël ignore l'appel. La Syrie déplace ses blindés vers la région. C'est alors que le gouvernement américain décida d'intervenir en menaçant de suspendre son aide financière à Israël. L'aide américaine constituait alors pour Israël un élément majeur dans ses efforts d'installation de quelques 60 000 nouveaux arrivants dans le pays. Israël céda… à moitié puisque le projet allait tout de même être réalisé grâce à un détour sur les rives du lac Tibériade à 212 m sous le niveau de la mer. En même temps qu'un premier risque de confrontation avait été endigué, le président Eisenhower ordonne l'établissement d'un programme détaillé pour le développement des ressources en eau du Jourdain. Il s'agira du Plan Johnston. Le Comité politique de la Ligue arabe rejettera le plan qui pourtant favorisait largement les pays arabes dans le partage. En réalité, si les Arabes ont choisi de rompre les négociations, c'est surtout parce qu'ils ne sentaient pas de besoins pressants en eau, qu'ils estimaient aussi pouvoir développer chacun leurs ressources hydrauliques indépendamment de toute coopération régionale et sans la tutelle de quelque autorité que ce soit. L'aqueduc national israélien fut achevé en 1964, après cinq années de travaux ininterrompus.
Dès 1965, les Syriens et les Libanais lancent plusieurs projets, approuvés et financés par la Ligue arabe pour détourner les eaux du Jourdain à leur source, avec l'intention déclarer d'empêcher Israël d'utiliser la majeure partie de ces eaux. Les projets n'allaient profiter à ni l'un ni l'autre des initiateurs : dans le cas du Liban, la plus grande partie des eaux allait se déverser directement dans la mer, alors que côté syrien, l'eau irait rejoindre le Yarmouk et donc surtout profiter à la Jordanie. Israël élève une protestation auprès du Conseil de sécurité des Nations unies. La suggestion d'une intervention des Nations Unies n'est pas suivie. Israël bombarde les sites des travaux et menace d'une intervention de plus grande envergure. Le Liban suspend immédiatement ses travaux. La Syrie attendra d'avoir subi de plus importants dégâts. En 1966, elle renonce définitivement à son "canal de diversion".
La guerre des six jours – Certains affirment aujourd'hui que l'eau a été un facteur important dans le déclenchement de la guerre de juin 1967. Il y eut, c'est vrai, un certain nombre d'incidents à la frontière israélo-syrienne, notamment le 7 avril quand six avions syriens sont abattus au-dessus de Damas par l'aviation israélienne. Il est tout aussi vrai qu'à la fin de la guerre-éclair, Israël avait entre autre gagné les affluents et les sources du Jourdain, soit 550 à 600 mmc/an, contre les 400 et quelques que lui avait attribué le plan Johnston. De là à placer l'eau au niveau de facteur déclenchant de la guerre, il y a un pas. C'est aussi oublier le détroit de Tiran, au nord-est de la pointe du Sinaï et que les Égyptiens, prenant la place des casques bleus, venaient tout simplement d'interdire aux navires israéliens. La décision instaurait un blocus total sur le port d'Eilat, coupant quasi complètement les approvisionnements du pays en matière de pétrole.
Aujourd'hui – Alors qu'un traité de paix a été signé entre Israël et la Jordanie incluant le règlement de toutes les questions en suspens au sujet du Jourdain, les revendication palestiniennes, libanaises et syriennes attendent encore d'être réglées, avec en toile de fond le désaccord syro-jordanien concernant le développement des ressources du Yarmouk et plus loin, mais si près tout de même, la menace turque.
Le processus de paix engagé à Madrid avait permis la mise sur pied d'un groupe de travail Eau, qui, à l'exemple des quatre autres groupes de travail (Sécurité, Réfugiés, Économie, Environnement) a débuté ses travaux en 1992 à l'issue de la Conférence de Moscou. Entre-temps est survenu le traité israélo-jordanien (signé en octobre 1994). Signé en septembre 1995, l'accord de Taba aurait dû permettre d'aboutir aujourd'hui sur le règlement de la majeure partie du conflit israélo-palestinien. À l'époque, il avait été décidé qu'un certain nombre de dossiers, parmi lesquels celui des réfugiés, mais aussi celui de l'eau seraient négociés dans le cadre du statut final de l'autonomie (dont les négociations ont déjà pris plus d'un an et demi de retard).
Retrait du Golan – La question, directement liée à celle de l'eau, est délicate. Selon le tracé retenu, Israël gardera ou perdra tout ou partie de son contrôle sur les ressources en eau du Golan. En 1991, des études stratégiques auraient été faites par l'université de Tel-Aviv sous la direction du Général Aaron Yariv, ancien chef des services de renseignements de l'armée israéliennes en coopération avec l'agence israélienne de planification de l'eau. D'après cette étude, Israël n'aurait pas à occuper tout le Golan pour assurer sa sécurité en eau, de même qu'une grande partie de la bande côtière pouvait être rendue aux Palestiniens. Pour des raisons de sécurité, cette étude n'a jamais été publiée. On mesure là aussi la dimension psychologique du problème. Les experts israéliens souhaiteraient aussi une plus grande implication de la Turquie dans les négociations. Ils pensent – sans doute à raison – qu'un assouplissement de la position turque à l'égard de la Syrie, faciliterait les discussions.
Au total, les intérêts vont de plus en plus dans le sens d'une coopération régionale : Oman aurait décidé, en concertation avec les experts israéliens, la création à Mascate d'un centre d'étude sur le dessalement, en même temps Israël a officiellement demandé la mise en place d'une banque de données régionales sur les ressources en eau, à laquelle pourraient avoir accès toutes les parties ainsi que les organisations internationales. Encore faudra-t-il que tout cela se concrétise.
Munther Haddadin, qui a été, côté jordanien, le principal négociateur de l'accord de 1994 avec Israël estime – sans doute à raison – que le problème de l'eau ne peut pas, à lui seul, provoquer un conflit armé. Dans un contexte de pénurie, l'eau peut au contraire favoriser la coopération, à condition toutefois d'apporter les solutions qui conviennent aux autres sources de conflit. Prendre en compte, non seulement l'hydrographie ou la géographie, mais les besoins réels d'une société, c'est là que réside de toute façon la clé du problème de l'eau. "L'eau par nature sert à éteindre l'incendie pas le provoquer", déclarait le négociateur jordanien.
Éléments à ne pas perdre de vue – L'analyse géopolitique de l'eau impose de prendre en considération un certain nombre d'éléments. Des éléments dont la signification se renforce au Moyen-Orient. Premier élément : le besoin pour toute nation, de maintenir, de regagner ou d'étendre ses droits sur l'eau. Ce qui s'explique par le sentiment – d'ailleurs très juste – que la possession ou le contrôle de l'eau en abondance est synonyme, sinon de pouvoir, du moins de sécurité nationale, de prospérité et de bien-être. De là bien sûr – deuxième élément : le besoin de contrôler les stratégies des États voisins, et au premier chef, des États situés en amont de ses propres ressources. À cela s'ajoute aujourd'hui un troisième élément – ou plus justement une préoccupation supplémentaire, à savoir la crainte de plus en plus actuelle des risques de pollution. Le cas du Moyen-Orient impose enfin la prise en compte d'un quatrième élément : l'importance d'une agriculture, fortement consommatrice d'eau, mais considérée non pas en tant que telle mais en tant que politique sociale peu coûteuse, assurant un emploi et un niveau de vie à toute une partie de la population.
L'approche économique et rationnelle du problème – Très récemment, un groupe d'enseignants de l'Université de Harvard et du Massachusetts Institute of Technology se sont associés à plusieurs experts hydrauliques et plusieurs économistes israéliens, palestiniens et jordaniens pour placer la question de l'eau au Proche-Orient sous une approche économique rationnelle : il s'agit du Plan de Harvard.
L'approche est en résumé la suivante :
Le modèle mathématique a été ultérieurement repris pour évaluer les désaccords entre Israël, la Syrie et le Liban, en se fondant sur la répartition qui avait été avancée par le Plan Johnston.
La perte pour Israël d'une partie des eaux du Jourdain s'élèverait à 16 millions de dollars par an, ce qui représente un montant relativement modeste. À supposer qu'Israël doive pour des raisons de développement urbain ou industriel retrouver la même quantité d'eau, et pour cela, utiliser l'eau de mer dessalée, cela lui coûterait 52 millions de dollars par an. Même cette somme n'est pas importante. Au total, la valeur maximale du désaccord ne représente que 0,065 % du PIB d'Israël (environ 80 milliards de dollars en 1996). Un calcul qui peut indisposer le lobby des agriculteurs ou l'establisment de l'eau, lui aussi très puissant en Israël. Qu'importe, puisqu'à terme il est évident que seules les solutions reposant sur la base de ce que l'on appelle "la maximisation du bénéfice total net" pourront s'imposer, en respectant au mieux l'intérêt de chacun et celui aussi, de plus en plus préoccupant, des écosystèmes. .
Le dessalement
En 1990, on comptait 7 500 unités de dessalement – |