Les Romains ont poussé à l'extrême l'art du bain. Les Thermes (ceux de Néron, de Caracalla, de Dioclétien...) ont réuni l'excellence des techniques d'approvisionnement en eau (aqueducs, réservoirs, canalisations...), de chauffage (par le sol et les murs), d'architecture et de décoration. Art de vivre, ils ont joué un rôle social important parce que démocratiquement ouverts à tous, et parce qu'ils furent témoins et instruments de l'indépendance croissante de la femme romaine. En effet, du début de la période impériale jusqu'à l'interdiction formulée vers 146, nombre de citoyennes romaines ont fréquenté les thermes mixtes où l'on se baignait nu ; chose incroyable sous la République. Et même si les activités offertes aux habitués des thermes étaient trop nombreuses pour que l'on puisse établir un lien certain et durable entre l'usage de l'eau et d'éventuelles relations sexuelles, il est établi que ces établissements favorisèrent des "rencontres" qui n'avaient rien d'innocentes.
Le lien est plus précis lorsque l'on évoque les "étuves" médiévales. Ces bains publics (on en comptait plus de cent dans le Paris du Moyen-Âge) furent effectivement, lorsqu'ils étaient mixtes, des lieux de rencontres, d'échanges, et même de prostitution. Le fait nous est attesté par l'iconographie de cette époque, mais aussi par les causes de fermeture des étuves. Leur disparition fut autant le fait des foudres du clergé, scandalisé par le caractère luxurieux de certaines étuves, que des ravages causés par les grandes épidémies de la fin du Moyen-Âge.
Ces pandémies meurtrières, considérées comme un châtiment du Ciel, fournirent un argument décisif aux tenants d'un puritanisme pur et dur, avec pour finalité la répression des pulsions. Dans le même temps, elles modifièrent le rapport à l'eau et à la nudité. L'eau, considérée comme vecteur probable de la contagion, devint suspecte et réservée à un usage purement nutritif ou médical. La nudité, naturelle au Moyen-Âge, fut présentée comme une provocation au péché.
La conception de l'hygiène en fut transformée puisque, dès le XVIème siècle, on entre dans l'ère de la "toilette sèche" : onguents, pommades, poudres et parfums, se substituent à l'usage de l'eau et du savon, d'ailleurs fort rare. La propreté se fixe alors sur le vêtement, censé protéger des "miasmes", alors que se développe une médecine des "humeurs", c'est à dire une médecine "expectante", les humeurs nocives devant être évacuées par des pertes naturelles : sudation du sujet fébrile, vomissements spontanés ou provoqués, excrétions favorisées par le clystère et, last but not least, saignées répétitives. Dans la majorité des cas, on demeurait dans l'élément liquide, assez loin, il est vrai, d'un quelconque érotisme. Et pourtant...