Le rôle évident de la nature dans les différents développements qui précèdent incite à prendre également en compte le phénomène du naturisme et du nudisme. Apparu à la fin du XIXème siècle, le naturisme fut encouragé par un petit nombre de médecins hygiénistes d'Europe du Nord. Ces praticiens obtinrent, après une longue lutte, une première victoire remportée contre l'usage du corset féminin. L'abolition du corset n'a rien d'anecdotique, c'est un phénomène important qui va imprimer un changement déterminant au vêtement féminin, initier la libération du corps et donc une libération plus politique. Dans un but thérapeutique, les hygiénistes préconisèrent également les bains d'air et de soleil, de très courte durée et dans la discrétion la plus absolue, mais dans le plus simple appareil. Ces pratiques, très marginales au cours des années 1900, s'inscrivaient toutefois dans un contexte d'urbanisation croissante, d'insalubrité des logements, et de progression de l'alcoolisme. Ce contexte favorisa le développement du sport, la pratique de la gymnastique, et un début de retour à la nature exprimé de façon symbolique par les arts appliqués, avec l'exubérance végétale de l'Art Nouveau, particulièrement remarquable dans les productions de l'École de Nancy.
Le naturisme participait de ce mouvement en se voulant une forme de réconciliation du corps avec la nature, et l'approche, vaguement idéologique, d'une vie saine, faisant intervenir, selon les cas, des références à l'antiquité grecque, aux régimes végétariens, ou la recherche d'un "état adamique". Les théoriciens français les plus sérieux et les plus compétents de cette approche furent les médecins Gaston et André Durville. Il n'y avait là rien d'érotique, bien que les pionniers du naturisme furent tous suspectés d'intentions douteuses. Réaction inévitable d'une société dont la pruderie constituait le socle d'airain de sa morale.
Sévèrement confinée, la pratique du naturisme se perpétua tant bien que mal jusqu'à l'après-guerre. À partir des années 1950, elle trouva un essor nouveau avec le développement des loisirs et des congés payés. Or, si la majorité des camps naturistes furent implantés en bord de mer (ou de rivière), c'est également vers les rivages de l'Atlantique et de la Méditerranée que se dirigeait le flux croissant des vacanciers, grâce à l'automobile. La libération des moeurs allait logiquement fournir des adeptes nouveaux au naturisme, mais beaucoup de ces derniers, en quête d'un hédonisme sans contrainte, ne souhaitèrent ni s'associer à l'idéal naturiste des fédérations, ni se contenter des espaces chichement réservés au nu intégral.
C'est ainsi que se développa un phénomène nudiste, dit naturisme "sauvage", avec plages improvisées, aussitôt interdites, et dont la répression fut assez comique pour fournir les séquences bien connues du "Gendarme de Saint-Tropez". On accorda donc aux nudistes des espaces organisés ou tolérés. Où ? En bord de mer évidemment. Et le plus connu de ces espaces organisés est, en France, l'impressionnant complexe du Cap d'Agde, qualifié aujourd'hui de "capitale du voyeurisme et de l'échangisme". Cet avatar du naturisme est considéré par le sociologue Michel Mafessoli comme une manifestation de "valeurs dionysiaques" ! Mieux, le sociologue y voit une "réappropriation collective du sexe", à l'image des structures qui existaient dans les anciennes civilisations. Sans aller jusqu'à cette interprétation audacieuse, nous constatons, une fois de plus, et de façon probante, le rapport entre l'eau, le nu et le sexe.