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Les autres registres du bain prétexte

 

Le thème des baigneuses est inépuisable. Il sévit tout au long du XXème siècle, avec une particularité : l'apparition, sur certains nus, de la pilosité pubienne bannie au siècle précédent, le fameux "triangle de Vénus", alors que les autres artistes conserveront le pubis glabre des maîtres. Mais la production picturale va être largement dépassée par celle, quantitative, de la photographie, s'abritant derrière l'étiquette "artistique". La photographie ne se privera d'ailleurs pas de singer la peinture dans le choix des sujets et les attitudes des modèles. Elle exploitera donc largement le thème du bain et de l'ensemble de ses variantes. Soumise aux mêmes règles que la peinture, elle se verra contrainte de gommer soigneusement la pilosité, ce jusqu'à ce que la censure baisse les bras, ce qui aura pour effet d'établir une lointaine analogie entre les baigneuses de la Vie Parisienne et celles de Cabanel ou Bouguereau.
Ainsi, du XVIIIème à la seconde moitié du XXème siècle, qu'il s'agisse de dessins, estampes, peintures ou photographies, l'exhibition des toisons, comme celle de la vulve, appartiendra au circuit parallèle des images circulant "sous le manteau", en compagnie des oeuvres pornographiques, dont la production va alimenter le secteur des "curiosa", bien connu et apprécié des collectionneurs.

Le cinéma va suivre une voie parallèle. Les scènes de bains seront nombreuses, introduites par les réalisateurs sous différents motifs : reconstitutions pseudo-historiques, scènes d'intérieur (salles de bains, toilette) ou d'extérieur (piscines, rivières, cascades, bains de mer...).

L'objectif n'est pas toujours de réaliser une séquence érotique, ou de mettre en valeur la plastique d'une actrice, il peut viser à promouvoir l'hygiène, le sport, les installations sanitaires modernes, ou bien des équipements de standing, comme la piscine. Comme pour la photographie, l'évolution des moeurs va contraindre la censure à devenir de plus en plus libérale, dans le cadre d'un modus vivendi  qui distingue aujourd'hui trois types de productions : un cinéma "classique" (qui peut comporter ou non une séquence érotique), un cinéma à vocation érotique (condamné à disparaître car médiocre et soumis à des règles frustrantes), et le cinéma X, ghetto confiné d'abord aux salles spécialisées, mais désormais domaine exclusif des productions vidéo.
Quel que soit le "support", la permanence du rapport entre l'eau, le sexe et le nu reste affirmée. Ajoutons qu'à partir du moment où les productions sont affranchies des contraintes de la censure, le bain (où la présence de l'eau) cesse d'être prétexte. Dans l'univers du X, tout est pratiquement permis (mais étroitement surveillé), et pourtant, l'utilisation de l'eau, sans être systématique, est toujours d'un recours fréquent, ce qui fait d'autant mieux apparaître son rôle de complément ludique et son intervention dans les fantasmes exploités.

On ne saurait clore ce propos sur les productions X sans faire allusion aux inévitables exhibitions du sexe féminin. Celles-ci ne peuvent-elles être interprétées comme autant de références, inconscientes et involontaires, au culte de Baubo, y compris quand elles sont assorties d'objets représentatifs du phallus (olibos ou godemichés), instruments qui ont allègrement franchi les siècles, passant du sacré au profane, avec l'aisance que leur confère leur fonction ? Dépourvues de tout contenu ésotérique, ces exhibitions pourraient traduire bien autre chose que la satisfaction d'une curiosité naguère jugée malsaine, aujourd'hui tolérée, mais toujours plus ou moins suspecte, et combleraient le vide laissé par la disparition des fêtes et cérémonies dédiées aux cultes de Vénus et de Priape, en compensant un siècle d'interdictions où l'hypocrisie tenait une large part. Nous le verrons plus loin, c'est une hypothèse proposée par la sociologie.

Par ailleurs, il convient aussi de faire une allusion à l'ondinisme (ou urophilie), terme traduisant l'excitation par l'urine. Cette "perversion", elle aussi connue dans l'antiquité, fréquente dans la littérature érotique (chez Pierre Louys, par exemple), curieusement de plus en plus présente dans les productions vidéo actuelles, manifeste un rapport très étroit et très intime entre un élément liquide (qui certes ne peut être comparé à l'eau, mais présente une analogie "déviante" avec le thème de la Source) et un certain plaisir sexuel.